Dernière mise à jour : le 29 décembre 2015

Sujet d'étude. L'image Marianne
Cours écrits et réalisés par Maxime Forriez (2015)

    Marianne fait partie des symboles républicains. Son usage a pour objectif de personnaliser le pouvoir de la République. Au temps des rois ou des empereurs, il était facile de lier la personne au pouvoir avec le pouvoir lui-même, or le régime républicain, quelles que soient ses qualités ou ses défauts, ne le permet pas.

    Cela étant, le choix du personnage de Marianne n’avait rien d’évident, car elle symbolise d’abord et avant la Révolution française dans ses heures les plus sombres. Lorsque la République revint en 1848, par défaut, les Républicains se tournèrent vers Marianne, mais il fallait impérativement la « nettoyer » de ses origines sanglantes. Ainsi, un concours de statues fut organisé en 1848 afin de transfigurer les valeurs républicaines grâce à l’image allégorique de Marianne. Même si la IIe République fut expresse dans l’histoire de France, puisqu’elle prit fin officiellement en 1852. Cependant, elle posa les jalons de l’avenir républicain avec une Marianne pacifique.

    Marianne représente la République éducatrice. En général, elle est entourée des emblèmes de la lumière (soleil, rayon, étoile). De plus, elle est souvent représentée avec des enfants autour d’elle, insistant sur le fait qu’il s’agit d’une mère qui nourrit les patriotes. D’ailleurs, la Marianne pacifiée est rarement représentée les seins nus ; seules les représentations portant cet aspect éducatif permettent le rapprochement entre le lait maternel et les enfants à instruire avec les valeurs républicaines.

    Marianne représente la République en tant que régime politique ; elle est toujours accompagnée d’un drapeau tricolore et de la devise républicaine « Liberté, Égalité et Fraternité », définitivement adoptée en 1879. Marianne représente la prospérité républicaine, qui s’oppose à la misère des régimes autoritaires antérieurs. Marianne représente une figure pacifique, contrastant avec la Marianne révolutionnaire[1]. Désormais, elle est calme, posée et protège la République par sa sérénité apparente. Elle est souvent représentée tenant un rameau d’olivier, symbole de paix. Marianne devient ainsi le symbole de la Liberté en France. Cela étant, elle conserve des attributs révolutionnaires : le bonnet rouge phrygien[2] ou encore la célèbre image de la Semeuse (de la Révolution, rappelons-le). L’image de Marianne véhicule également les attributs royaux et impériaux. Par exemple, Marianne est souvent vêtue d’une toge romaine, d’un épi de laurier romain et d’une peau de lion à la romaine symbolisant la force sauvage maîtrisée de la République, faisant référence à Hercule combattant le lion de Némée. Par ailleurs, Marianne est souvent accompagné d’un coq, symbole « gaulois » [3]. Ceci dit, le coq représente également la vigueur, le courage, la vaillance, la fierté et la prétention dans le monde occidental. Le faisceau des licteurs romains, symbole impérial, l’accompagne, le plus souvent au-dessus de l’abréviation R.P. (République française).

    Sous la IIIe République, au fur et à mesure de son enracinement, Marianne devient le sceau du régime démocrate français. La tête de Marianne figure sur les pièces de monnaie ou sur les timbres postes. Il faut noter que le choix de l’image de la Semeuse reste plus rare, mais, désormais, elle symbolise la prospérité agricole de la France, et de manière plus allégorique, Marianne semant les graines de la Liberté au soleil levant. Marianne peut être représentée avec ou sans son bonnet, mais, en général, elle reste vêtue à la romaine. Par exemple, il existe de nombreuses Marianne en Cérès, déesse romaine de l’agriculture.

    Les statues de Marianne sont restées célèbres et ont eu un succès qui a dépassé les frontières françaises, encore aujourd’hui. Frédéric Auguste Bartholdi (1834-1904) et Gustave Eiffel (1832-1923) construisirent, par exemple, une Marianne dans le port de New York, La statue de la Liberté, inaugurée en 1886, dont un exemplaire plus petit a été réalisé et placé dans le jardin du Luxembourg sur l’île des Cygnes à Paris. Il est bon de noter que, dans cette image de Marianne, le bonnet phrygien n’a pas été retenu. À partir des années 1880, sans que cela fût obligatoire, les bustes de Marianne intégrèrent les mairies dans toute la France. Le phénomène fut accentué par le fait que, à partir de 1884, toute commune se devait d’avoir une mairie.

    L’image définitive de Marianne se fixa pendant la Première Guerre mondiale. Elle devint alors le symbole de la patrie. Le bonnet phrygien revint et s’imposa ; il perdit son sens révolutionnaire, et se neutralisa. Dans ces représentations, Marianne n’était jamais seule. Elle combattait directement Guillaume II, l’empereur de l’Allemagne, ou indirectement le régime impérial via ses symboles (aigle, casque à pointe, etc.). Marianne prit un aspect militaire, renouant avec ses origines révolutionnaires ; elle était munie d’un baïonnette ou d’un glaive. Par ailleurs, elle figurait dans toutes les chansons patriotiques, voire dans les poèmes de même nature.

    La République, État sans monarque, devrait être sans symbole, or ce n’est absolument pas le cas. Au fil des années du XXe siècle, Marianne s’est étendue et banalisée comme étant le symbole de la République française[4]. Avec les IVe et Ve Républiques, Marianne se personnifia. Dans les années 1970, l’artiste Alain Aslan (1930-2014) prit une initiative privée en dessinant le visage de Marianne avec les traits de Brigitte Bardot. Ce portrait plut au président de la République Valéry Giscard d’Estaing, qui le rendit célèbre. D’autres essais furent menée, car l’image de Brigitte Bardot était trop portée par le sexe symbole qu’elle était à l’époque. Mireille Mathieu eut sa Marianne, mais ce fut un échec cuisant, à cause de ressemblance avec Jeanne d’Arc. Par la suite, des concours nationaux furent réalisés plus ou moins régulièrement. Catherine Deneuve en remporta un en 1985. En 2000, les maires de France, très attachée à l’image de Marianne, organisèrent un concours qui fut remportée par la polémique, Laetitia Casta. Plus récemment avec la Charte Marianne en 2005, l’allégorie républicaine prit un autre sens, celui de la « bonne administration » de la République. Dans le même esprit, un concours nommé « Les Marianne d’Or », récompense chaque année les Français les plus méritants du territoire dans des domaines précis et variés. En bref, Marianne n’a pas fini de porter l’image de la République. Son iconographie est vivante et s’adapte aux différentes modes. Marianne demeure par conséquent toujours le symbole de la République triomphante, et ce plus de 200 ans après son invention sous la Révolution française.





[1] Remarque. Les caricaturistes de la IIIe République opposent souvent dans leurs caricatures les deux Marianne.

[2] Remarque. Le bonnet rouge phrygien fut utilisé par les Communards en 1870-1871. La Commune de Paris fut une insurrection pendant la guerre de 1870 avec l’Allemagne, visant à établir un régime socialiste. Elle fut écrasée les Versaillais. La IIIe République naquit dans le sang. Le bonnet phrygien fut alors abandonné jusque les années 1890, afin de ne pas cultiver une certaine ambiguïté sur la nature du régime. À l’origine, le bonnet phrygien, du nom de la Phrygie, contrée situant actuellement en Turquie, était porté par les esclaves affranchis romains. Il s’agit par conséquent pour les Révolutionnaires de 1789 d’un symbole de liberté retrouvée par les institutions parlementaires établies alors.

[3] Le coq en latin se dit Gallus, la Gaule, Gallia. Le coq républicain est un habile jeu de mots entre ces deux termes latins, la Gaule étant grosso modo, le territoire français actuel.

[4] Sous l’État français, Marianne fut remplacée par le maréchal Pétain lui-même ou Jeanne d’Arc.