Dernière mise à jour : le 29 décembre 2015

La France sous la Ve République - Partie 2
Cours écrits et réalisés par Maxime Forriez (2015)

  1. La République gaullienne (1958-1969)

  2.     Le général de Gaulle a « une certaine idée de la France ». Il propose de grandes ambitions politiques pour la France qui doit se remettre de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi des deux guerres coloniales d’Indochine (1946-1954) et d’Algérie (1954-1962). Il souhaite que la France joue de nouveau un grand rôle dans la vie internationale. Pour Charles de Gaulle, la France est une puissance mondiale, car elle fait partie des cinq membres permanents de l’Organisation des Nations Unies (O.N.U.).

        La politique diplomatique s’articule autour de trois grands points. (1) La France doit être la capacité de se défendre elle-même. Pour cela, elle doit posséder elle aussi la bombe atomique. Profitant du désordre algérien, dans le Sahara du sud, la première bombe atomique française explose en février 1960. En été 1968, la première bombe à hydrogène explose dans l’océan Pacifique (aux îles Gambier), qui avait accueilli le programme nucléaire française à la suite de l’indépendance de l’Algérie. Pour marquer le pouvoir du président de la République, lui seul peut décider de l’utilisation de l’arme nucléaire. (2) La France doit rester un allié des États-Unis. Ceci dit, pour Charles de Gaulle, un allié ne signifie pas être soumis à celui-ci. Il conteste l’hégémonie américaine, en particulier la domination du dollar. Il s’oppose à la division du monde en deux blocs. Il fait sortir la France du commandement intégré de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (O.T.A.N.) Ainsi, à contre courant par rapport aux demandes américaines, la France reconnaît l’existence de la Chine communiste. Dans le même ordre d’idée, la France condamne l’intervention militaire des États-Unis au Viêt-nam et elle a des relations directes avec l’U.R.S.S. La France lance une politique de coopération avec les pays du tiers monde : ses anciennes colonies, en Amérique latine et dans le monde arabe. Charles de Gaulle défend la francophonie face à la culture anglo-saxonne. (3) La France a signé le traité de Rome du 25 mars 1957. Il est évident que Charles de Gaulle n’aurait pas signé un tel traité. Militaire, il considère que, malgré son opposition, il se doit de faire respecter les engagements français pris alors. Ainsi, il oriente sa politique en insistant sur le fait que la construction européenne ne doit pas se faire n’importe comment. Il est conscient qu’il existe des intérêts communs à défendre pour lesquels si la France était seule, elle ne pourrait pas agir. Néanmoins, il est contre tout idée de fédération européenne. Ainsi, il se concentre sur le maintien de l’amitié franco-allemande qui est le moteur de la construction européenne. Ainsi, la réconciliation franco-allemande est réaffirmée en 1963.

        La vie internationale est également économique. La France doit rester une grande puissance économique. Pour Charles de Gaulle, l’État est responsable de celle-ci. En 1958, la France demeure un grand pays agricole. Ainsi, il propose de transformer le pays en puissance industrielle en suivant l’exemple de la République fédérale allemande. Il existe de nombreux projets qui sont lancés par le général et qui graveront les lettres de noblesse de l’industrie française : la construction de centrales nucléaires un peu partout sur le territoire métropolitain, le projet britanno-français de l’avion Concorde et la mise au point du système de télévision couleur français, le SECAM[1]. Pour y parvenir, Charles de Gaulle propose de respecter des règles simples : le budget de l’État doit être utilisé comme moteur de l’économie française, c’est-à-dire que les finances publiques doivent être saines ; le franc doit être une monnaie solide. En 1959, pour redresser les finances de la France ruinées par le déficit budgétaire, par l’inflation et par les dépenses militaires, le ministre des Finances, Antoine Pinay réduit les dépenses de l’État et dévalue la monnaie créant ainsi le nouveau franc. Par ailleurs, les grandes orientations économiques ne peuvent être contrées. Par exemple, l’exode rural français ne peut être empêché. Cela étant, il peut être atténué. Ainsi, des politiques correctives sont souvent mises en place. Dans le cas d’espèce, pour aider les paysans retraités qui souhaitent vendre leur ferme, l’Indemnité viagère de départ (I.V.D.) est créée.

        Les Français ont le sentiment que Charles de Gaulle n’est pas n’importe qui. Lors de son arrivée au pouvoir, il existe trois points sur lesquels il emporte l’adhésion de tout le pays : (1) mettre fin à la guerre d’Algérie, (2) redorer le blason de la politique française, et (3) redéfinir la manière de gouverner la France.

        Charles de Gaulle a par conséquent de grands projets pour la France. Ses choix sont toujours omniprésents dans la politique française actuelle.

    1. Le premier mandat (1958-1965)

    2.     Charles de Gaulle devient le premier président de la Ve République le 8 janvier 1959.

          Le premier mandat est marqué par le règlement de la question algérienne entre 1958 et 1962. En 1961, l’article 16 a été appliqué à la suite des attentats de l’Organisation secrète armée (O.A.S.) sur le territoire métropolitain. L’O.A.S. était le mouvement terroriste des pieds-noirs qui souhaitaient le maintien de l’Algérie française. Le 3 juillet 1962, l’Algérie devient indépendante. L’O.A.S. désire alors se venger du général de Gaulle. Le soir du 22 août 1962 a lieu l’attentat du Petit Clamart. La voiture du général est criblée de balles, mais les quatre passagers (le général, son épouse, son gendre et son chauffeur) s’en sortent sans égratignure. L’enquête a montré qu’il y avait eu des complices jusqu’à l’Élysée. Le général de Gaulle utilise cet attentat de manière politique pour changer le mode de scrutin de l’élection présidentielle.

          Les députés craignent cette nouvelle loi. En effet, jusqu’alors ils étaient les seuls à bénéficier d’une élection à l’échelle nationale au suffrage universel direct. Juste avant le référendum (qui validerait de toutes les manières la loi, car nul ne peut aller à l’encontre d’une décision directe du peuple), les députes votent, comme de coutume sous les IIIe et IVe République, une motion de censure. La réponse du général de Gaulle est cinglante : il dissout immédiatement l’Assemblée nationale. En octobre 1962, les gaullistes conservent la majorité absolue à l’Assemblée nationale, mais la leçon a porté. Désormais, l’Assemblée nationale a compris que les règles du jeu ont changé. Les présidents de la République n’hésiteront plus à dissoudre une Assemblée nationale qui leur est hostile. C’est l’apparition du fait majoritaire.

          Le 28 octobre 1962, un référendum a lieu proposant la réforme de l’élection présidentielle. Le résultat conforte la majorité gaullienne : 62 % de « oui » contre 38 % de « non ». Néanmoins, ce résultat est moins important que le référendum de 1958 qui confirmait la création de la Ve République.

    3. Le second mandat (1965-1969)

    4.     L’élection présidentielle du 5 et 19 décembre 1965 est la première au suffrage universel direct mixte. Les candidats sont : Charles de Gaulle, qui décide de se présenter seulement le 4 novembre 1965), François Mitterrand [2] représentant les partis socialiste et communiste, Jean Lecanuet, professeur de philosophie et maire de Rouen, qui représente la droite catholique et Jean-Louis Tixier-Vignancour, avocat et candidat de l’extrême droite qui regrette l’Algérie française et qui considère Charles de Gaulle comme un ennemi à abattre. Les résultats du premier tour déçoivent le général : il n’a pas été élu à la majorité absolue (cf. tableau ci-dessous). En réalité, Jean Lecanuet, de droite également, a attiré des électeurs, qui, s’il ne s’était pas présenté, auraient voté pour Charles de Gaulle au premier tour.

      Candidats au premier tour Résultat
      Charles de Gaulle 44,6 %
      François Mitterrand 32,2 %
      Jean Lecanuet 15,8 %
      Jean-Louis Tixier-Vignancour 5,2 %

          N’ayant pas eu la majorité absolue au premier tour, il y a ce que l’on appelle un ballottage, ce qui signifie que les deux premiers candidats du premier tour sont présents lors d’un deuxième tour. L’objectif du ballottage est de limiter le risque de l’élection des partis extrémistes, mais surtout de permettre d’avoir un candidat élu en ayant la majorité absolue, c’est-à-dire 50 % des voix plus un. Charles de Gaulle remporte le second tour avec une large majorité.

      Candidats au second tour Résultat
      Charles de Gaulle 54,5 %
      François Mitterrand 45,5 %

          Le résultat de l’élection présidentielle de 1965 tend à prouver que les Français commencent à se détourner de la politique de Charles de Gaulle. On peut présenter deux groupes : celui en faveur de Charles de Gaulle (femmes, commerçants et artisans, agriculteurs, retraités, catholiques pratiquants et professions libérales) et celui en sa défaveur (hommes, ouvriers, oubliés de la croissance, intellectuels).

          Charles de Gaulle innove en manière de communication. Il souhaite expliquer pédagogiquement aux Français sa politique. Pour cela, il est le premier à utiliser la télévision. Par ailleurs, il ne reste pas à Paris. Il se déplace souvent dans les départements français afin de montrer qu’il est proche des Français.

          Les élections législatives des 5 et 12 mars 1967 marquent un second succès mitigé des gaullistes : seulement 244 députés sur 485, à l’époque, ont été élus à l’Assemblée nationale.

          En mai et juin 1968, le monde est mécontent. Il y a des manifestations en Tchécoslovaquie (« Printemps de Prague »), au Mexique, au Japon, en France et aux États-Unis. Ainsi, le mouvement français n’est qu’un mouvement parmi d’autres. Les causes du mécontentement français sont multiples. (1) Le chômage commence à monter en début d’année 1968 : on compte 300 000 chômeurs [3]. (2) En 1968, le baby-boom de l’après-guerre suit des cours à l’université. Le problème est que la France n’a pas fait face à cette arrivée massive au sein des universités. Ainsi, les universités sont construites alors très rapidement, et sont en très mauvais état aujourd’hui. À l’époque, avoir un diplôme, c’est avoir une garantie d’emploi, or comment acquérir un diplôme dans de si mauvaises conditions de travail. (3) Dix ans après 1958, il existe une certaine monotonie de voir le général de Gaulle au pouvoir.

          Le vendredi 10 mai 1968, une manifestation étudiante éclate à Paris dans le quartier Latin (5e arrondissement). Dans la nuit du 10 au 11 mai 1968, elle dégénère en émeutes. Des arbres sont abattus pour faire des barricades, des pavés sont arrachés pour casser les vitrines et piller les magasins, les voitures sont brûlées. Bref, tout le quartier est saccagé.

          Le 13 mai 1968, dans toute la France, des manifestions décidées par les syndicats étudiants et salariés éclatent alors sur le thème de la solidarité et de la demande « Halte à la répression policière ». Ainsi, les manifestations étudiantes dégénèrent en une grève généralisée sur tout le territoire et dans toutes les professions le 14 mai 1968. Le 18 mai 1968, on compte environ 10 millions de grévistes. Dit autrement, la France est bloquée. D’une simple crise étudiante, on est passé à une crise sociale.

          Pendant ces événements, Charles de Gaulle n’est pas en France. Il est alors en visite diplomatique en Roumanie.

          Le 25 mai 1968, des négociations entre les syndicats, le patronat et le gouvernement de Georges Pompidou ont lieu. Le 27 mai 1968, après deux nuits blanches, les accords de Grenelle (lieu accueillant le ministère du Travail) sont signés. (1) Les salaires sont augmentés. Le salaire minimum interprofessionnel garanti (S.M.I.G.) augmente de 35 % et les non-smigards augmentent de 7 %. (2) Les congés payés passent de trois à quatre semaines. Face à ces avancées, non négligeables pourtant, les grévistes refusent de reprendre le travail en considérant que ces mesures sont insuffisantes. Ainsi, la grève continue.

          Pendant le conflit, Charles de Gaulle semble absent. Il donne l’impression d’être dépassé par les événements. Le 29 mai 1968, le Conseil des ministres à l’Elysée n’a pas lieu, car le général ne s’y est pas présenté. Il avait décidé de se rendre dans la garnison militaire française de Baden Baden en Allemagne dans lequel on le retrouve dix heures plus tard. Les observateurs politiques estiment qu’il va retrouver son milieu militaire dans lequel règne la discipline et l’autorité.

          Le 30 mai 1968, le Conseil des ministres devant avoir lieu la veille se tient. Peu après, Charles de Gaulle annonce à la radio qu’il ne démissionnera pas et qu’il dissout l’Assemblée nationale. Il s’agit d’une habile tactique politique consistant à stopper le mouvement de mai en exigeant que les Français votent, affirmant un retour à la démocratie et permettant de retrouver un pays fonctionnant normalement. Ainsi, une gigantesque manifestation a lieu sur les Champs-Élysées ; elle est organisée par des Français opposés aux troubles et exprime leur accord pour le choix du général.

          Les élections législatives des 23 et le 30 juin 1968 marquent un triomphe pour les gaullistes.

          Le 27 avril 1969, Charles de Gaulle organise un ultime référendum concernant la décentralisation, les régions et le Sénat. Il a toujours considéré cet outil politique comme une vérification du soutien des Français à titre personnel. Suite à la crise de mai 1968, les Français manifestent de doutes sur la politique du général, et surtout un certain « ras-le-bol ». Le « non » l’emporte ce jour-là à 52,4 %, et Charles de Gaulle démissionne dans la nuit, le 28 avril 1969.

          Conformément à la Constitution, le président du Sénat, Alain Poher devient président de la République par intérim.

  3. La République pompidolienne (1969-1974)

  4.     Georges Pompidou (1911-1974) est le dernier Premier ministre du général de Gaulle. En 1969, il est élu au second tour avec 57,5 % des voix. Son mandat correspond à la fin des Trente Glorieuses.

        Sa politique s’inscrit dans la continuité de Charles de Gaulle tant dans le domaine de la politique étrangère (États-Unis, Europe, etc.) que dans la pratique constitutionnelle. Cela étant, il a accepté l’entrée du Royaume-Uni en 1972 dans la Communauté européenne.

        Son premier Premier ministre, Jacques Chaban-Delmas (1969-1972), propose en 1970 la transformation du S.M.I.G. en salaire minimum interprofessionnel de croissance (S.M.I.C.). Il organise la participation des salariés aux bénéfices de leur entreprise. Il instaure des discussions régulières entre patrons et salariés. Son objectif est de répondre aux tensions sociales existantes. Il crée également la Formation professionnelle des Adultes (F.P.A.) afin qu’ils puissent monter en grade tout au long de leur carrière. Georges Pompidou accorde la priorité à la modernisation de l’industrie française. Comme Charles de Gaulle, il souhaite que la France rattrape l’Allemagne. Ainsi, Georges Pompidou est un conservateur alors que Jacques Chaban-Delmas est un réformateur. En 1972, cela provoque une discorde entre eux, ce qui aboutit à la démission du Premier ministre.

        Dans l’opposition, le nom de « Section française de l’Internationale ouvrière » (S.F.I.O.) est abandonné au profit du nom « parti socialiste » en 1969. En 1971, au congrès d’Épinay, François Mitterrand adhère au parti socialiste et en devient le premier secrétaire. En 1972, François Mitterrand signe avec le parti communiste français (P.C.F.) et avec le Mouvement des radicaux de gauche (M.R.G.) un programme commun de gouvernement appelé l’Union des gauches. Cette dernière progresse dans l’opinion publique, mais elle perd les élections législatives de 1973.

        Le second Premier ministre, Pierre Messmer (1972-1974), doit faire face au premier choc pétrolier de 1973, ce qui provoque par effet ricochet une montée du chômage en France, mais surtout, le 2 avril 1974, la mort de Georges Pompidou. Ainsi, la présidence de Georges Pompidou n’aura pas à résoudre le problème de la stagflation. Le rôle effacé de Pierre Messmer renforce le poids de la présidence de la République.

        En 1974, c’est de nouveau Alain Poher qui assure la présidence par intérim.

  5. La République giscardienne (1974-1981)

  6.     L’élection présidentielle de 1974 connaît une douzaine de candidats. Bien évidemment, beaucoup sont fantaisistes. Parmi les candidats présidentiables, on peut voir figurer : François Mitterrand, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chaban-Delmas. À ces élections, les gaullistes sont divisés. Pour Jacques Chirac, il faut empêcher à tout prix que François Mitterrand soit élu. Ainsi, il considère que le mieux placé pour gagner est Valéry Giscard d’Estaing. Pour cela, il va le soutenir afin d’être élu en discréditant Jacques Chaban-Delmas.

    Candidats « sérieux » au premier tour Résultat
    François Mitterrand 43,3 %
    Valéry Giscard d’Estaing 32,9 %
    Jacques Chaban-Delmas 14,6 %

        L’arrivée de François Mitterrand en tête du premier tour est une surprise.

    Candidats au second tour Résultat
    Valéry Giscard d’Estaing 50,6 %
    François Mitterrand 49,4 %

        Au second tour, Valéry Giscard d’Estaing, à 48 ans, devient le troisième président de la Ve République. Il nomme Jacques Chirac, à 42 ans, Premier ministre (1974-1976). C’est une période de grandes réformes sociétales. La majorité citoyenne et pénale est abaissée à 18 ans. La loi dite Naquet de 1884 sur le divorce est réformée. Cette loi avait établi un divorce de sanction, c’est-à-dire que l’un des deux conjoints était le mauvais conjoint. Dit autrement, il fallait prouver l’existence d’une faute pour justifier un divorce. En 1974, la loi autorise le divorce par consentement mutuel. Cela ne signifie pas que le divorce pour faute n’existe plus pour autant, mais il devient de plus en plus rarement utiliser. Un secrétariat d’État à la condition féminine est créé. En 1974, la loi dite Veil autorise l’interruption volontaire de grossesse (I.V.G.) dans les 10 premières semaines de grossesses. Le gouvernement veut améliorer le sort des personnes âgées, des immigrés et des handicapés. L’Éducation nationale est réformée : désormais, il n’existe plus qu’un collège unique qui rassemble tous les élèves de la 6e à la 3e. La majorité civique est abaissée de 21 ans à 18 ans.

        Les réformes libérant les mœurs n’effacent pas l’inflation, c’est-à-dire la montée des prix. Le gouvernement de Jacques Chirac mène une politique keynésienne pour relancer la consommation des ménages, mais c’est un échec. En 1974, la France comptait 400 000 chômeurs, en août 1976, 950 000 chômeurs. Cet échec provoque la démission de Jacques Chirac qui a dit à ce moment-là l’une de ses phrases culte le 25 août 1976 : « Vous n’entendrez plus parler de moi ».

        Raymond Barre devient alors Premier ministre de 1976 à 1981. Il n’estime pas Jacques Chirac. Pour lui, la politique keynésienne est fausse. Ainsi, il propose de mener une politique libérale : encourager les entreprises génèrent des profits, qui génèrent eux-mêmes des investissements, qui génèrent eux-mêmes des emplois. Cette politique aurait pu donner des résultats s’il n’y avait pas eu le second choc pétrolier de 1979-1980. Il mène alors une politique d’austérité courageuse, mais impopulaire. Il stabilise le franc par exemple. La crise est toujours là. En 1981, on compte désormais 1,5 million de chômeurs. L’inflation n’est pas stoppée. Les prélèvements obligatoires ont été fortement augmentés.

        En 1978, Valéry Giscard d’Estaing fond l’Union pour la démocratie française (U.D.F.), parti de centre droit.

        Jacques Chirac critique la politique de Raymond Barre. En 1976, il transforme le mouvement gaulliste en créant le Rassemblement pour la République (R.P.R.), un parti de droite et d’opposition. La gauche se divise à propos de l’étendue des nationalisations qu’elle projette et perd les élections législatives de 1978. En 1981, la veille de l’élection présidentielle, la droite est alors divisée.

        Depuis 1974, le rôle de l’État s’est modifié. La crise économique a contraint les gouvernements à réduire les prélèvements obligatoires, donc le train de vie de l’État.

  7. La République mitterrandienne (1981-1995)

    1. Le premier mandat (1981-1988)

    2.     En avril-mai 1981, l’élection présidentielle porte comme candidats : Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac (R.P.R.), François Mitterrand (Parti socialiste) et Georges Marchais (Parti communiste).

      Candidats au premier tour Résultat
      Valéry Giscard d’Estaing 28,3 %
      Jacques Chirac 18,0 %
      François Mitterrand 25,8 %
      Georges Marchais 15,3 %

          Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing s’affrontent très violemment.

      Candidats au second tour Résultat
      François Mitterrand 51,7 %
      Valéry Giscard d’Estaing 48,3 %

          François Mitterrand est élu quatrième président de la République le 10 mai 1981. Immédiatement, n’ayant pas la majorité à l’Assemblée nationale, il la dissout en juin 1981. Les élections législatives aboutissent à la majorité absolue pour le parti socialiste.

          Pierre Mauroy devient le premier Premier ministre socialiste de la Ve République (1981-1984). Il réforme la France dans trois domaines. (1) Les réformes sociétales proposent la fin du monopole de l’État dans le domaine de l’audiovisuel et la suppression de la peine de mort (portée par Robert Badinter, le ministre de la Justice). (2) Une réforme administrative de taille enclenche la décentralisation en mars 1982. L’État central donne des pouvoirs aux régions, devenues alors une collectivité territoriale à part entière, aux départements et aux communes. (3) Les réformes économiques sont les plus importantes en volumes. Les banques et les entreprises industrielles sont nationalisées. La cinquième semaine de congés payés est accordée. La semaine de 39 heures de travail est votée. L’âge de la retraite est porté à 60 ans. Le S.M.I.C. et les prestations sociales sont augmentés.

          Certaines de ces mesures vont créer de nouveaux problèmes. Les entreprises doivent dépenser plus afin de payer des employés qui travaillent moins. Les prix augmentent alors. En rappelant que le second choc pétrolier venait d’avoir lieu, le commerce extérieur de la France devient déficitaire. Par ailleurs, le franc est dévalué trois fois. Depuis 1982, la lutte contre l’inflation freine la progression des salaires.

          À partir de 1983, Pierre Mauroy change de politique économique : c’est le « tournant de la rigueur ». Le projet d’unifier le système éducatif provoque de grandes manifestations hostiles qui font reculer le gouvernement. Le Front national, parti d’extrême droite, progresse aux élections en exploitant les thèmes de l’immigration et de l’insécurité. Les ministres communistes quittent le gouvernement en 1984. C’est la fin de l’Union de la gauche. Le chômage en 1984 touche 2 millions de personnes. Pierre Mauroy démissionne en 1984.

          En politique étrangère, François Mitterrand relance la construction européenne, poursuit le dialogue avec l’U.R.S.S. et maintient l’alliance, contre toute attente, avec les États-Unis.

          Le gouvernement de Laurent Fabius (1984-1986) met en place un traitement social du chômage, ce qui signifie que l’État se résigne à combattre le chômage en donnant des subventions aux chômeurs. S’il avait choisi un traitement économique, aucune subvention n’aurait été donnée aux chômeurs.

          Aux élections législatives de mars 1986, le R.P.R. de Jacques Chirac et l’U.D.F. de Valéry Giscard d’Estaing obtiennent la majorité absolue à l’Assemblée nationale. François Mitterrand est contraint de nommer Jacques Chirac au poste de Premier ministre (1986-1988) : c’est la première cohabitation. Le gouvernement de Jacques Chirac entreprend alors une politique économique libérale. Par exemple, il organise alors les privatisations des entreprises que Pierre Mauroy avait nationalisées. L’expérience de la cohabitation démontre la solidité des institutions de la Ve République, mais profite surtout à François Mitterrand qui est réélu en mai 1988 en utilisant les erreurs du gouvernement de Jacques Chirac.

          Du fait du vieillissement de la population, le financement de la sécurité sociale est menacé : elle perçoit moins et verse plus. Malgré la prise de certaines mesures comme le revenu minimum d’insertion (R.M.I.), la crise laisse à l’écart de la société française les plus démunis, parmi lesquels les « nouveaux pauvres ».

    3. Le second mandat (1988-1995)

    4.     En mai 1988, François Mitterrand est réélu au second tour avec 54 % des voix. Il dissout l’Assemblée nationale, mais, aux élections législatives de juin 1988, les socialistes n’obtiennent qu’une majorité relative. Entre 1988 et 1992, trois gouvernements se succèdent : celui de Michel Rocard, celui d’Édith Cresson (seule femme ayant occupé le poste) et Pierre Bérégovoy.

          Michel Rocard, pour lutter contre la crise économique, crée le revenu minimum d’insertion (R.M.I.) en 1988. Pour rétablir l’équilibre dans les comptes de la Sécurité sociale, la contribution sociale généralisée (C.S.G.) est créée en 1991. En 1992, la construction européenne fait un pas décisif avec le traité de Maastricht, qui crée l’Union européenne, approuvé massivement par les Français.

          La montée du chômage (3 millions de chômeurs en 1993), le scandale du sang contaminé et les scandales politico-financiers génèrent une crise de confiance dans le pays. Ainsi, la droite est de retour au pouvoir par les élections législatives de 1993. Une nouvelle cohabitation a lieu. Ayant tiré, l’erreur d’avoir été Premier ministre entre 1986 et 1988, juste avant les élections présidentielles, Jacques Chirac refuse le poste, qui est alors proposé à Édouard Balladur. C’est la seconde cohabitation. Le nouveau gouvernement procède à un certain nombre de privatisations.

  8. La République chiraquienne (1995-2007)

  9.     Jacques Chirac est un président de la République qui a beaucoup innové. Il a raté sa dissolution en 1997. Il a été poursuivi par la Justice pendant son mandat, ce qui a permis de clarifier les conditions de mise en examen du président de la République. Il a réformé la Constitution en calant l’élection du président de la République et les élections législatives.

    1. Le premier mandat (1995-2002)

    2.     François Mitterrand a décidé de ne pas se représenter une troisième fois. Il confie cette tâche à Lionel Jospin. Le R.P.R. est divisé : Édouard Balladur refuse que Jacques Chirac soit le candidat officiel du R.P.R. Une lutte intestine a alors lieu. Jacques Chirac, donné perdant, effectue une remontée spectaculaire par rapport à son rival de droite.

      Candidats au premier tour Résultat
      Lionel Jospin 23,3 %
      Jacques Chirac 20,8 %
      Édouard Balladur 18,6 %

          Jacques Chirac et Lionel Jospin s’affrontent pour le second tour.

      Candidats au second tour Résultat
      Jacques Chirac 52,6 %
      Lionel Jospin 47,4 %

          En 1995, Jacques Chirac nomme Alain Juppé au poste de Premier ministre. L’objectif du nouveau gouvernement est de réduire la dette publique. Il décide d’augmenter les impôts. Il poursuit la réforme de la Sécurité sociale, mais surtout modifie les conditions du départ à la retraite des fonctionnaires. Impopulaires, les réformes du gouvernement d’Alain Juppé provoquent un gigantesque mouvement de grèves qui paralysent la France. Jacques Chirac tente alors la dissolution « à l’anglaise » en mai 1997. Il espérait conforter sa majorité à l’Assemblée nationale.

          En juin 1997, les élections législatives anticipées portent la Gauche au pouvoir. Une nouvelle cohabitation commence avec le gouvernement de Lionel Jospin, représentant la gauche plurielle. Le nouveau gouvernement bénéficie d’une conjoncture économique favorable. Il propose des réformes sociales d’ampleur comme les 35 heures de travail hebdomadaire, payées 39 heures. En 2000, Jacques Chirac propose un référendum afin de réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Par ailleurs, le mandat des sénateurs est réduit de 9 à 6 ans. La réforme la plus importante concerne la loi sur la parité de 2000 entre les hommes et les femmes alors des élections politiques. Cette loi est facilement contournable ; une seconde réforme a été nécessaire en 2012-2013 pour obtenir une forme plus aboutie de cette parité.

    3. Le second mandat (2002-2007)

    4.     L’élection présidentielle de 2002 a eu seize candidats. C’est le record de la cinquième République. Avec autant de candidats, il est inutile de préciser que la Droite comme la Gauche étaient profondément divisées. Contre toute attente, Lionel Jospin est éliminé dès le premier tour. Il a été évincé par le candidat de l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, le 21 avril 2002.

      Candidats au premier tour Résultat
      Jacques Chirac 19,9 %
      Jean-Marie Le Pen 16,9 %
      Lionel Jospin 16,2 %

          Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen s’affrontent pour le second tour. Fait unique dans l’histoire de la Ve République, le débat présidentiel entre le premier et le second tour n’a pas eu lieu. Jacques Chirac a refusé tout débat avec son adversaire. Pour faire face à cette situation inattendue, Jacques Chirac crée l’Union pour la majorité présidentielle (U.M.P.), remplaçant le R.P.R., en avril 2002 pendant cet entre-deux-tours.

      Candidats au second tour Résultat
      Jacques Chirac 82,2 %
      Jean-Marie Le Pen 17,8 %

          Un « Front républicain » se met en place, et Jacques Chirac est réélu avec un score inégalable : 82,2 % des voix exprimées. La Droite remporte également les élections législatives de juin 2002. En novembre 2002, l’Union pour la majorité présidentielle devient Union pour un mouvement populaire (U.M.P.).

          Jacques Chirac nomme Jean-Pierre Raffarin au poste de Premier ministre. Il effectue des réformes très importantes. En 2003-2004, la décentralisation est renforcée. La laïcité à l’école est réaffirmée par une loi interdisant le port d’objets « religieux ostentatoires ». À partir des émeutes de 2005, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, mène une politique de lutte contre l’insécurité musclée.

          Au niveau des élections décentralisées, la Gauche remporte les élections régionales de 2004.

          En 2005, Jean-Pierre Raffarin démissionne, suite à l’échec du référendum sur le traité de Lisbonne (54,8 % de « non »). Il est remplacé par Dominique de Villepin jusque 2007. En 2006, le contrat première embauche (C.P.E.) soulève le mécontentement des étudiants et des lycéens. Les universités sont paralysées pendant plusieurs mois. Le gouvernement ne cède pas. Néanmoins, la loi a été invalidée en grande partie par le Conseil constitutionnel.

  10. La République de Nicolas Sarkozy (2007-2012)

  11.     L’affrontement hors norme de 2002 au second tour a profondément marqué les Français. À l’élection présidentielle de 2007, il y a eu des « résultats normaux » : la Droite et la Gauche sont en tête, et Jean-Marie Le Pen retrouve son corps électoral classique. La surprise de cette élection est l’arrivée en troisième position du centriste François Bayrou.

    Candidats au premier tour Résultat
    Nicolas Sarkozy 31,2 %
    Ségolène Royal 25,9 %
    François Bayrou 18,6 %
    Jean-Marie Le Pen 10,4 %

        Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal s’affrontent au second tour. Il est à noter que c’était la première et dernière fois que, en France, une femme arrive à ce niveau dans les élections présidentielles.

    Candidats au second tour Résultat
    Nicolas Sarkozy 53,1 %
    Ségolène Royal 46,9 %

        Nicolas Sarkozy veut mener une politique de rupture avec les traditions de la Ve République. Il nomme François Fillon au poste de Premier ministre, fait rare pour la Ve République, il le restera jusqu’au départ du président de la République.

        Entre 2007 et 2009, Nicolas Sarkozy pratique une politique d’ouverture, c’est-à-dire une politique permettant à des partisans de gauche ou du centre de rejoindre son gouvernement. Une politique ultralibérale se met clairement en place : les 35 heures sont assouplies, l’âge du départ à la retraite est reculé, la justice est réformée. La Constitution est réformée le 23 juillet 2008. Cette révision permet d’intégrer en grande partie le traité de Lisbonne, pourtant refusé par les Français en 2005. Il renforce les pouvoirs du Parlement. Par exemple, les assemblées sont désormais libres de fixer la moitié de l’ordre du jour. Le président de la République a vu limiter son exercice à deux mandats consécutifs. La crise économique et financière de la fin d’année 2008 l’oblige à reculer sur un certain nombre de points de son programme initial. La France voit sa dette publique portée de 66 % du P.I.B. à 90 % du P.I.B. La zone euro connaît une crise sans précédent. Le chômage augmente massivement.

        Entre 2009 et 2012, la révision générale des politiques publiques (R.G.P.P.), lancée dès 2007 par Nicolas Sarkozy, est profondément réorientée. D’une politique ultralibérale, on est passé à une politique keynésienne, voire socialiste dans plusieurs aspects. La R.G.P.P. a permis de réduire considérablement le train de vie des institutions de l’État et, par effet ricochet, des collectivités territoriales, mais, actuellement, on ignore toujours à quel point, mais surtout il est impossible d’évaluer les effets de ces réformes sur le moyen et long terme.

  12. La République de François Hollande (2012-2017)

  13.     Pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, la Gauche s’est considérablement restructurée. Elle a choisi pour candidat, François Hollande, qui devait alors combattre le candidat de Droite, Nicolas Sarkozy aux élections de 2012.

    Candidats au premier tour Résultat
    François Hollande 28,6 %
    Nicolas Sarkozy 27,2 %
    Marine Le Pen 17,9 %
    Jean-Luc Mélenchon 11,1 %
    François Bayrou 9,1 %

        Nicolas Sarkozy et François Hollande s’affrontent pour le second tour.

    Candidats au second tour Résultat
    François Hollande 51,6 %
    Nicolas Sarkozy 48,4 %

        Après s’être fait élire en tant que « président du changement », François Hollande se veut être un « président normal ». Il nomme Jean-Marc Ayrault au poste de Premier ministre. Il doit mener une « politique de redressement » afin de lutter contre le chômage qui touche désormais 3 millions d’actifs.

        Les élections législatives de 2012 donnent une majorité à la Gauche, mais il est à noter une évolution considérable. Désormais, les communistes ont quasiment disparu de la scène politique nationale au profit des écologistes et du Front de gauche. Le Front national a fortement progressé et est devenu un parti « normal » dans le paysage politique française selon sa président Marine Le Pen.

        Un certain nombre de lois sociales sont votées. Par exemple, en 2013, la loi sur le mariage pour tous est votée. Cependant, le chômage continue de s’accroître : il atteint le chiffre de 3,5 millions fin 2014.

        Face à une situation de plus en plus difficile, François Hollande décide alors de nommer Manuel Valls au poste de Premier ministre le 31 mars 2014. Les réformes se poursuivent, mais aboutiront-elles ? La majorité est divisée et gangrenée par des luttes intestines de plus en plus violentes, permettant à la Droite de se relever progressivement de tous les scandales politico-financiers post-2012 autour de Jean-François Copé. En 2014, Nicolas Sarkozy revient aux affaires après deux ans de silence absolu. Il est réélu à la tête de l’U.M.P. fin 2014. En 2015, il souhaite rebaptiser son parti : les « Républicains ».





[1] Le PAL est le système allemand.

[2] Cette élection va être l’occasion de le faire connaître.

[3] Remarque. En 1967, Jacques Chirac fonde l’Agence nationale pour l’emploi (A.N.P.E.) qui, aujourd’hui, a été intégrée à Pôle emploi.