Dernière mise à jour : le 19 février 2024

La Ve République. Un régime inscrit dans la durée
Cours écrits et réalisés par Maxime Forriez (2015)

    Entre 1946 et 1958, la France a connu le régime de la IVe République qui avait repris les structures, déjà jugées fragiles, de la IIIe République. Cette fragilité a été éprouvée par les deux guerres coloniales extrêmement sanglantes de l’immédiat après-guerre : la guerre d’Indochine (1946-1954) et la guerre d’Algérie (1954-1962). En plein milieu de cette dernière, la France, en 1958, a décidé de changer sa Constitution, c’est-à-dire son texte fondamental qui organise le fonctionnement des institutions politiques.

    Les IVe et Ve Républiques sont des régimes parlementaires, c’est-à-dire un régime ayant un exécutif bicéphale (Premier ministre et son gouvernement / Président de la République) et un pouvoir législatif représenté par le Parlement (Sénat / Assemblée nationale en France). En principe, comme son nom l’indique, l’exécutif exécute les décisions des parlementaires. Pour cette raison, sous la IVe République, le gouvernement devait recevoir une investiture de la part de l’Assemblée nationale qui était un symbole de soumission à celle-ci. Malheureusement, l’Assemblée nationale et le Sénat étaient élus au mode de scrutin de liste proportionnel qui ne permet à aucun parti d’avoir une majorité nette.

    Le 13 mai 1958, en Algérie, une insurrection militaire éclate à Alger. Le général de Gaulle apparaît comme le dernier atout pour régler le problème. Il devient alors président du Conseil (c’est-à-dire Premier ministre). Il propose une nouvelle Constitution à la France qui lui permettrait de régler le problème algérien. La Constitution a largement été rédigée par Michel Debré, le premier Premier ministre du président de la République, Charles de Gaulle. Le 28 septembre 1958, elle est soumise aux Français par référendum. Il obtient un « oui » à une écrasante majorité. Le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République est officiellement et solennellement promulguée. Charles de Gaulle devient le premier président de la République par une élection au suffrage universel indirect1.

    Avec la Ve République, Charles de Gaulle a voulu donner un pouvoir exécutif fort à la France en supprimant la procédure d’investiture. Désormais, le président de la République peut choisir un Premier ministre, qui, seul, choisit un gouvernement. Les pouvoirs du président de la République a été considérablement renforcé, notamment en lui permettant d’être désormais élu au suffrage universel direct (à partir de 1962). Jusqu’alors, seuls les députés étaient élus avec ce type de suffrage. Cela donne au président de la République autant de légitimité que l’Assemblée nationale. Ainsi, un équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif se trouve peu à peu affirmer. Par ailleurs, l’élection des parlementaires (députés ou sénateurs) se fait plus au mode de scrutin proportionnel, mais au mode de scrutin à majorité absolue. Cela étant, avec le temps, l’équilibre entre les pouvoirs s’est rompu au profit du pouvoir exécutif, ce qui n’est pas sans poser problème aujourd’hui.

  1. La Constitution de la Ve République

  2.     La Ve République est un régime parlementaire rationalisé.

    1. Le rôle du Président de la République

    2.     Le Président de la République a vu son rôle entièrement rénové par la Constitution de 1958.

          Il est le chef des armées. Il peut directement intervenir dans le domaine de la Défense. Il est le seul à décider de l’usage de l’arme nucléaire.

          Il est le chef de l’État.

          Il est garant de l’unité de la nation et de son indépendance. Il est en cela le chef de la politique étrangère de la France.

          Il peut disposer des pleins pouvoirs en cas de crise (article 16).

          Il peut dissoudre l’Assemblée nationale (article 12).

          Il dispose du droit de grâce (article 17).

          Il peut organiser des référendums par faire adopter directement par le peuple une mesure législative.

          Il nomme un Premier ministre (article 20) qui propose un gouvernement. Le gouvernement n’est plus investi par l’Assemblée nationale. Désormais, il ne propose qu’une question de confiance. Que la réponse soit positive ou négative, cela n’a aucune incidence sur le gouvernement choisi.

          Afin de marquer son important, le président de la République veut montrer qu’il symbolise la France le temps de son mandat. Tous les présidents de la République ont eu un portrait officiel.

    3. Le Parlement

    4.     L’Assemblée nationale est élu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Elle est élue au suffrage universel direct Cela permet de générer un nouveau phénomène politique : le fait majoritaire.

          Le Sénat est lui-même élu au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, mais par un suffrage universel indirect.

          Désormais, le travail parlementaire est très encadré. Le gouvernement fixe les priorités législatives par le contrôle de l’ordre du jour. La navette parlementaire est beaucoup plus encadrée. En effet, toute loi doit être adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat de manière identique. Il est fréquent que les assemblées soient en désaccord. Une navette a par conséquent lieu entre les deux institutions. Elle est limitée à trois navettes. En cas de désaccord, l’Assemblée nationale a souvent le dernier mot, à quelques rares exceptions. Par exemple, sur tout ce qui concerne les collectivités territoriales, le Sénat aura le dernier mot. L’initiative de la loi est double : le gouvernement émet un projet de loi tandis que le Parlement émet des propositions de loi.

          Remarque. Le président du Sénat est le président par intérim en cas de vacance de la présidence de la République.

  3. La vie politique sous la Ve République

  4.     La Ve République a connu plus de transformations en 75 ans que l’ensemble des régimes qui se sont succédé entre 1789 et 1958.

    1. L’élection du président de la République

    2.     L’élection du président de la République est devenue un moment clé de la vie politique française depuis 1965, date de la première. À cette occasion, le débat politique ne s’effectue plus sur les ondes radios, mais sur les ondes télévisuelles. Le président de la République est élu à un scrutin à majorité absolue à deux tours. Cependant, il n’a jamais été élu au premier tour directement. Au second tour, seuls les deux premiers candidats du premier peuvent continuer à débattre pendant quinze jours en attendant la seconde élection.

    3. L’usage du référendum

    4.     Le référendum est une possibilité qu’a le président de la République pour faire adopter une loi. Il est considéré comme l’expression directe du peuple, et ne peut par conséquent être contesté.

          Charles de Gaulle a utilisé cinq fois cette procédure. En 1969, un référendum concernant la création des régions a été refusé par les Français à une large majorité. Le général ayant pris cela comme un affront, a démissionné aussitôt.

          Aujourd’hui, le référendum est rarement utilisé. Le dernier en date est celui concernant la Constitution européenne en 2005.

    5. La démocratisation de plus en plus affirmée

    6.     Le droit de dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République permet de stabiliser le régime. Désormais, il est possible de dissoudre l’Assemblée nationale pour la sanctionner du vote d’une motion de censure du gouvernement en 1962, en cas de crise grave en 1968, afin de garantir au président de la République une majorité en 1981 et 1988, et après de mesures impopulaires en 1997.

          Les Français votent au suffrage universel direct les élections suivantes : l’Assemblée nationale, le président de la République, le Parlement européen, les élections locales (commune, département et région).

          En 1974, la majorité citoyenne a été abaissée à 18 ans. En 1982, la décentralisation permet de définir un enjeu local aussi important que l’enjeu national autour de trois grandes élections locales. En 1992, la citoyenneté européenne permet aux ressortissants de l’Union européenne de voter, mais aussi de se présenter à certaines élections locales, et bien sûr européennes.

    7. Les problèmes politiques

    8.     Désormais, la Constitution est révisée pour n’importe quel motif. Cela étant, les engagements européens obligent la France à modifier régulièrement son texte afin de les respecter.

          Certaines mesures temporaires du début de la Ve République n’ont jamais été réformées.

          La Ve République est le plus monarchique des régimes républiques. Le président de la République français dispose de pouvoirs uniques par rapport aux autres chefs d’État. Par exemple, il a plus de pouvoirs que le président des États-Unis d’Amérique.

          Le régime de la Ve République est un régime bipolaire. Pour la première fois dans l’histoire de la France depuis 1789, le fait majoritaire s’affirme. Désormais, il existe une majorité qui prend globalement toutes les décisions législatives et une opposition qui essaye de tempérer les mesures. Deux grands blocs se sont constitués : la Droite, conservatrice (sécurité, nation, liberté économique), et la Gauche, progressiste (égalité, social, vision plus internationale), représentées aujourd’hui par les Républicains et par le parti socialiste (P.S.). Le problème de ce fait majoritaire est multiple. D’une part, l’opposition n’existe pas officiellement, c’est-à-dire qu’elle n’a pas accès aux textes sur lesquels elle est censée s’opposer. D’autre part, le fait majoritaire a engendré un fonctionnement non prévu : la cohabitation, c’est-à-dire le cas où le président de la République et le Premier ministre sont issus de majorités opposées. La cohabitation est une sanction que le peuple donnait à la politique menée par le président de la République. Même si elle n’était pas voulue, elle fait partie du fonctionnement normal des institutions françaises. Il y a eu trois cohabitations (1986-1988 ; 1993-1995 ; 1997-2002). La longue période de cohabitation Jacques Chirac / Lionel Jospin a abouti à la proposition, sous forme d’un référendum en 2000, d’une diminution du mandat du président de la République à cinq ans (contre sept ans depuis 1871). Ainsi, le mandat du président de la République est calé sur celui de l’Assemblée nationale. Il devient alors très difficile d’avoir une nouvelle cohabitation. Cet état de fait renforce le fait majoritaire, mais diminue l’aspect démocratique du régime, car il n’existe plus aucun moyen de sanctionner un président de la République dont la politique ne plairait pas aux Français.

          Entre la Gauche et la Droite, le Centre existe toujours, mais il se place soit à droite, soit à gauche. Aux extrémités, se situent le Front de gauche et le Front national (droite). La Ve République n’a pas éliminé les alternatives, mais elles ont peu de chance d’arriver au pouvoir que ce soit celui de la Présidence de la République ou de l’Assemblée nationale. On distingue alors les partis de gouvernement et les autres partis. La France reste par conséquent très éloignée du système bipartiste anglo-saxon (Royaume-Uni ou États-Unis). Ainsi, certains proposent réintroduire une dose de scrutin proportionnel.

          La France est l’un des rares États démocratiques au sein duquel il est possible de cumuler différents mandats. Plusieurs lois limitent les possibilités, mais beaucoup de cumuls sont toujours possibles. Par exemple, on peut être maire et député, c’est-à-dire mélangé son élection locale avec une élection nationale.

          La France est l’un des rares États démocratiques au sein duquel il faut instaurer des lois sur la parité afin de permettre aux femmes de pouvoir se présenter aux élections nationales ou locales.

  5. Les présidents de la République et les Premiers ministres (de 1958 à nos jours)

  6. Président de la République Premier ministre
    1958-1965 Charles de Gaulle (droite) 1958-1962 Michel Debré (droite)
    1962-1965 Georges Pompidou (droite)
    1965-1969 Charles de Gaulle (droite) 1965-1968 Georges Pompidou (droite)
    1968-1969 Maurice Couve de Murville (droite)
    1969-1974 Georges Pompidou (droite) 1969-1972 Jacques Chaban Delmas (droite)
    1972-1974 Pierre Messmer (droite)
    1974-1981 Valéry Giscard d’Estaing (centre droit) 1974-1976 Jacques Chirac (droite)
    1976-1981 Raymond Barre (droite)
    1981-1988 François Mitterrand (gauche) 1981-1983 Pierre Mauroy (gauche)
    1983-1986 Laurent Fabius (gauche)
    1986-1988 Jacques Chirac (droite)
    1988-1995 François Mitterrand (gauche) 1988-1991 Michel Rocard (gauche)
    1991-1992 Édith Cresson (gauche)
    1992-1993 Pierre Bérégovoy (gauche)
    1993-1995 Édouard Balladur (droite)
    1995-2002 Jacques Chirac (droite) 1995-1997 Alain Juppé (droite)
    1997-2002 Lionel Jospin (gauche)
    2002-2007 Jacques Chirac (droite) 2002-2005 Jean-Pierre Raffarin (droite)
    2005-2007 Dominique de Villepin (droite)
    2007-2012 Nicolas Sarkozy (droite) 2007-2012 François Fillon (droite)
    2012-2017 François Hollande (gauche) 2012-2014 Jean-Marc Ayrault (gauche)
    2014-2016 Manuel Valls (gauche)
    2016-2017 Bernard Cazeneuve (gauche)
    2017-2022 Emmanuel Macron (centre) 2017-2020 Édouard Philippe (droite)
    2020-2022 Jean Castex (droite)
    2022-2027 Emmanuel Macron (centre) 2022-2024 Élisabeth Borne (gauche)
    2024-En cours Gabriel Attal (droite)

        En gras : les périodes de cohabitations politiques.





[1] : Michel Debré aurait souhaité que le président de la République soit élu au suffrage universel direct, mais son texte comportait déjà trop d’aspects « révolutionnaires » par rapport à ce que pouvaient supporter les parlementaires. Il faut attendre l’attentat du Petit Clamart en 1962 pour que Charles de Gaulle et Michel Debré puissent proposer une réforme de la Constitution en ce sens, approuvée par référendum.