Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

La chevauchée des quatre premiers khalifes, ou l’expansion arabe (632-661)

Date de publication : 24/09/2020

Après avoir beaucoup cité les Francs, voyons un peu la naissance de l’Empire arabe à la mort de Muhammad.

Après avoir fait l’unité de la péninsule arabique, le prophète mourut en 632 sans successeur direct mâle.

Le premier khalife, mot arabe signifiant le successeur, fut le père de son épouse préférée, A’icha (614-678), de Muhammed, Abû Bakr (vers 573-634). Il fut choisi par Umar (584-644), celui qui avait eu l’honneur de diriger la prière lorsque Muhammad se mourait. Sous ce khalifat, les tensions entre les tribus arabes étaient difficiles à gérer. Une partie d’entre elles, refusant le nouveau commandeur des Croyants, décidèrent de faire sécession, mouvement appelé la ridda (apostasie). L’unité de Muhammad était menacée. Il fallait trouver un moyen de la conserver. Abû Bakr assura sa mainmise sur l’Arabie, et multiplia les raids aux frontières de Syrie et d’Iraq. À sa mort, en 634, ce fut sur cette base que les conquêtes furent lancées par ses successeurs.

Transformer les raids habituels en conquêtes était une nécessité pour la survie de l’Islam. Les objectifs principaux sont : (1) offrir un but commun aux tribus arabes désunies depuis la mort du Prophète ; (2) étendre la domination de l’Islam en s’appuyant sur la prédication coranique appelant à la guerre contre les Infidèles ; (3) promettre un butin conséquent aux troupes.

Le deuxième khalife fut Umar. Il lança l’invasion de l’Empire romain d’Orient et l’invasion de l’Empire perse sassanide. La conquête fut fulgurante. Damas fut prise en 635, mais ce fut la bataille de Yarmûk qui marqua la perte de la Syrie pour l’Empire byzantin en 636. En 640, l’Afrique nord-orientale de l’Égypte à la Cyrénaïque fut conquise en 640. Parallèlement, une charge fut menée contre l’Empire perse sassanide que les Arabes conquirent entre 635/637 et 639/640 ou 642. Bref, peu avant sa mort, Umar avait triplé, voire quadruplé, le territoire des Arabes. Tout territoire acquis devint un camp de base pour effectuer de nouvelles razzias en Asie Mineure, en Tripolitaine (Afrique du Nord) et en Carmanie (Inde), et ces raids donnèrent les directions des futures conquêtes. Umar mourut assassiné poignardé par un esclave chrétien en 644.

Le troisième khalife, Uthmân (564-656), fut désigné par un conseil de six sages, investis à ce dessein par Umar lui-même. Ce fut sous son règne que le Coran fut rédigé dans sa version définitive ; c’est ce que l’on appelle la Vulgate uthmânienne. Sa grande œuvre militaire fut de constituer une flotte arabe qui prit le large à partir des ports de Syrie et d’Égypte vers Constantinople. Par contre, la brusque expansion n’avait pas permis de constituer une administration solide, capable de récolter l’impôt. En conséquence, au sein de cet État naissant, les intrigues au sein de l’embryon de cour étaient très nombreuses. Par ailleurs, la légitimité khalifale en faveur de la famille proche du prophète (Alî) progressait de plus en plus, et, en 656, l’ « usurpateur » fut assiégé dans sa maison de Médine, puis assassiné à coups de sabre.

Le quatrième khalife, Alî (vers 600-661), dut faire face aux contestations de son pouvoir. Il vainquit les partisans soutenus par la veuve du Prophète, A’icha, en 656 lors de la bataille du Chameau (en Bas-Irak). Toutefois, son plus fameux adverse fut le gouverneur de Syrie de 640 à 661, Mu’âwiya (602-680), chef du clan des Umayyades et parent d’Uthmân. En 657, Alî était sur le point de le battre à Çiffin, mais il accepta la trêve proposée par son adversaire. Cet accord permit à ce dernier de renforcer son pouvoir en Syrie qu’il étendit en Égypte. En 660, le fils d’Alî, Hussein (626-660), mourut assassiner par les partisans umayyades à Kerbela (à 90 km au sud de Bagdad). Dans ce contexte déjà bien troublé, un troisième parti, les khârijites, se constitua contre Alî et Mu’âwiya. En 658, Alî les écrasa à la bataille de Nahrawân. Toutefois, en 661, Alî fut assassiné par un khârijite.

Mu’âwiya prit, à la mort d’Alî, la tête d’une armée, et devint le nouveau khalife. Il s’installa à Damas, et organisa l’Empire arabe en reproduisant le modèle d’administration efficace qu’il avait mis au point en Syrie. Ce fut le premier à abandonner les villes saintes à leur rôle religieux. Il fut également le premier à lancer une dynastie, les Umayyades (661-750), qui poursuivit l’expansion impériale. Toutefois, la surprise n’étant plus en leur faveur, les Arabes furent stoppés en 717 par les Byzantins, en 732 par les Francs et en 751 par les Chinois. À la différence de Constantinople ou Poitiers, la bataille de Talas en 751 fut une victoire arabe, mais, par un accord commun, les vainqueurs renoncèrent à poursuivre leur route vers la Chine.

Dans cette période troublée, trois courants de pensée, déterminants pour l’histoire de l’Islam, virent le jour. Le chi’îsme prône l’idée que le khalife doit être un descendant d’Alî ou de Fâtima (604-632), sa femme. Le problème est que cette conception peut encourager n’importe qui à se prétendre parent éloigné d’Alî ou de Fâtima, et les exemples ne manquent pas au sein de l’histoire de l’Islam. Le sunnisme propose de suivre la tradition, la sunna : le khalife doit être de la famille de celui qui l’a précédé ; il est soucieux de l’ordre établi et du bien-être de la communauté (umma) ; il ne faut pas que les Musulmans soient divisés entre eux. Par les partisans du khârijisme, l’imâm doit être élu comme étant le plus vertueux et le plus saint ; le khalife doit être le meilleur des croyants. C’est un mouvement qui reste flou jusqu’à sa disparition au Xe siècle. Aujourd’hui, il ne reste que quelques poches pratiquant l’Islam khârijiste dans le Sahara.

Les deux mouvements principaux s’affrontèrent au sein de l’Empire arabe pendant tout le Moyen Âge, et donnèrent naissance à de nombreux mouvements parents. Le plus imaginatif reste le mouvement chi’îte, dont il est quasi-impossible de recenser le nombre de sectes qui en a découlé.

L’histoire du khalifat est close, puisque l’avant-dernier khalife, Mehmet VI (1861-1926), fut déchu de ses fonctions par Atatürk (1881-1938) le 1er novembre 1922, lors de l’abolition du sultanat, et remplacé par son cousin, Abdülmecit II (1868-1944), le 9 novembre 1922, avant d’être lui-même déposé par Atatürk, après la proclamation de la République laïque, le 3 mars 1924. Depuis, l’Islam n’a plus de khalife. Pourtant, Daesh, mouvement extrémiste sunnite, a souhaité recréer un khalifat le 29 juin 2014, soit un siècle après la disparition du dernier. Il reprenait les bases de l’expansion des quatre premiers khalifes, mais celle-ci n’a pas eu lieu. Le territoire contrôlé a été contenu jusqu’à sa disparition durant l’année 2019.

Maxime Forriez.

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