La douceur du pouvoir : l’histoire de deux rivales, Brunehaut et Frédégonde
Date de publication : 22/09/2020
Aujourd’hui, car je ne manque jamais une occasion d’aller à l’encontre des thèses ultra-féministes, je vais une nouvelle fois vous parler de l’histoire des Francs via deux reines, Frédégonde (vers 545-597) et Brunehaut (ou Brunehilde) (vers 547-613), deux charmantes, faibles et douces femmes qui marquèrent l’histoire des Francs en commettant les pires abominations autour d’elles. Voici quelques-uns de leurs exploits. Attention ! Les âmes sensibles ne doivent pas lire ce texte.
Qui sont-elles ? Brunehaut était la fille du roi des Wisigoths (établis en Espagne et défaits par Clovis de leurs possessions gauloises) Athanagilde Ier (?-567) et de Goswinthe (vers 530-589). Elle épousa vers 566 le roi des Francs du royaume d’Austrasie, Sigebert Ier (535-575), fils de Clotaire Ier (511-561), de 561 à 575.
Frédégonde avait une origine beaucoup plus modeste que Brunehaut, mais elle devait probablement appartenir à la cour de Chilpéric Ier (entre 525 et 534 - 584), roi des Francs du royaume de Neustrie (561-584). Les historiens pensent qu’elle devait être la suivante de la première femme de Chilpéric, Audovère (vers 530-580). Elle épousa Chilpéric en 568. Ce dernier l’épousa, après avoir étranglé Galswinthe (540-568), mariée avec lui en 567, et sœur de Brunehaut, peu avant dans la même année à cette fin.
À l’époque, il n’en fallait pas davantage pour déclencher une faida (une vengeance privée) entre Sigebert et Chilpéric et entre leurs femmes respectives, Brunehaut et Frédégonde. Les deux autres fils de Clotaire, Caribert Ier (vers 521-567), roi de Paris, Rouen, Tours, Limoges et Toulouse entre 561 et 567, et Gontran (entre 532 et 534-592), roi de Burgondie entre 561 et 592, eurent l’intelligence de rester à l’écart des conflits entre leurs frères. À la mort de Caribert, son royaume fut partagé entre les trois frères survivants. Paris et Senlis eurent un statut particulier : elles étaient gouvernées par les trois rois. Par ailleurs, Gontran essaya même à de multiples reprises de réconcilier ses frères. Cette neutralité permit aux belles-sœurs ennemies de trouver des refuges tout au long de guerre personnelle.
Je précise tout de suite que la chronologie manque de cohérence. Les sources ne fournissent pas assez d’éléments pour savoir quand les choses narrées se passèrent. L’idée sera de vous présenter quelques faits marquants de leur lutte perpétuelle.
Round 1. En décembre 575, à Vitry-en-Artois, Sigebert fut assassiné par deux des esclaves de Frédégonde. Forte de sa victoire, elle exila Brunehaut à Rouen, mais celle-ci épousa Mérovée (550-577), fils de Chilpéric Ier et d’Audovère, en 576. Ce mariage était très habile, car cela lui permettait d’entrer dans la cour de sa rivale. Malheureusement, Chilpéric eut en léger coup de sang. Il poursuivit son fils afin de le punir jusqu’à ce que ce dernier décida de se suicider en 577 à Thérouanne.
Round 2. À la mort de son frère, Chilpéric dut lutter le reste de sa vie contre ses propres enfants. Il mourut assassiné à Chelles en 584, probablement par des gens de sa femme, Frédégonde. Son plus jeune fils, Clotaire II (584-629) n’avait que quelques mois lorsqu’il devint roi. Sa mère, Frédégonde, fut proclamée tutrice du roi de Neustrie, sous la protection de Gontran entre 584 et 587. Après l’avoir chassé, elle poursuivit sa guerre contre le fils de sa belle-sœur, Childebert II. À la mort de Frédégonde, en 597, à Paris, Brunehaut restait seule en lice.
Round 3. Childebert II (570-595), fils de Sigebert Ier et de Brunehaut, avait échappé aux meurtriers envoyés par son oncle, Chilpéric. Il fut alors nommé roi en 575 de l’Austrasie et protégé par son autre oncle, Gontran ; Brunehaut fut désignée tutrice de son fils. Devenu adulte, il bénéficia, conformément au traité d’Andelot de 587, à la mort de Gontran, de la Burgondie et de l’Orléanais, en plus des terres qu’ils possédaient déjà. Il mourut empoisonné, probablement par sa tante Frédégonde, en 595. Il laissa deux fils : Thibert II (ou Théodebert) (585-612) et Thierry II (587-613).
Le jeune Thibert II obtint l’Austrasie et y régna entre 595 et 612. Sa grand-mère, Brunehaut, lui offrit son appui au sein de son gouvernement. Elle réussit à s’imposer aux leudes d’Austrasie. Elle avait tout d’un chef d’État et avait mis en place une administration efficace. Toutefois, les leudes finirent par obtenir du roi qu’il la chassât ; Thibert l’expulsa en 600. Elle se réfugia chez son second petit-fils, Thierry II.
De son côté, Thierry II régnait sur la Burgondie depuis la mort de Childebert II en 595, et ce jusqu’à sa mort en 613. En 600, Thibert et Thierry s’allièrent contre Clotaire II, qui avait perdu sa mère, Frédégonde en 597, gagnèrent et se partagèrent une grande partie de son royaume. En 610, Thierry II dut affronter son frère Thibert II, qui lui contestait l’attribution de l’Alsace lors du partage de 595. En 610, il obtint ce territoire via l’entrevue de Setz. En 612, Thierry II s’allia avec son cousin Clotaire II et le roi wisogth Gundomar (?-612) contre Thibert II, afin de récupérer ses terres. Il le vainquit à Toul et à Tolbiac en mai 612. Rappelons-le Brunehaut avait été chassée de la cour de Thibert douze ans plus tôt, on lui livra son petit-fils, qu’elle fit probablement exécuter avec son arrière-petit-fils Mérovée la même année. Son triomphe fut de courte durée. En 613, Thierry mourut probablement de la dysenterie, et ses quatre fils, ainsi que leur arrière-grand-mère, Brunehaut, furent livrés à Clotaire II par l’aristocratie austrasienne, qui ne voulait plus d’elle au pouvoir.
Round 4. En 613, grâce à la soumission de l’aristocratie austrasienne, Clotaire II refit l’unité du Regnum francorum jusqu’en 629. Il commença son règne de roi des Francs en s’occupant Brunehaut. Par vengeance, et ce pour une faida commencée 45 ans plus tôt, en 568, il décida de l’humilier en la promenant sur le dos d’un chameau devant l’armée, puis elle fut attachée à la queue d’un cheval furieux. Ce fut la fin de la guerre clanique. Toutefois, la réputation de Brunehaut est devenue légendaire. Lors de la lecture des bandes dessinées Disney, on peut apprendre que la reine de Blanche-Neige s’appelle « Brunehilde », nom non cité dans l’animation. Ce nom demeure un symbole de cruauté.
Alors, que pensez-vous de la violence au féminin ? Est-elle mieux que la violence au masculin ? L’histoire de ces deux reines montre bien que la violence reste de la violence, et que ce n’est pas une question de sexe. C’est une question de culture et d’éducation, et ces deux éléments sont portés par les deux sexes, et non un seul...
Maxime Forriez.
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