L’idée de « Renaissance » est-elle le prélude de la décadence ?
Date de publication : 20/12/2021
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Dans l’histoire, il y eut beaucoup de « reconnaissances ». La plus connue fut celle du XVIe siècle. Néanmoins, elle ne fut ni la première, ni la dernière. En général, les historiographes appelèrent « renaissance » un retour, une redécouverte des textes antiques, principalement du Bas-Empire romain. L’histoire que ces textes racontent était perçue pendant tout le Moyen Âge comme une période idéalisée, celle correspondant à un âge d’or de la civilisation européenne, perdu avec les migrations massives entre le Ve et le Xe siècle. Plus tard, on caricatura le Moyen Âge entre le XVIIIe et le XIXe siècle, car, depuis, le XVIe siècle, une rumeur prétendait que c’étaient les peuples barbares qui avaient détruit Rome, et qu’ils n’avaient pas su comprendre les richesses et les bienfaits que l’Empire romain pouvait leur apporter. On sait aujourd’hui que cette affirmation est fausse. S’ils avaient bien participé à l’effondrement de l’Empire romain d’Occident, ils n’étaient qu’une cause parmi d’autres (par exemple, le christianisme en fut une autre), et, en plus, au fur et à mesure du temps, l’unité romaine occidentale devint un mythe, un idéal à atteindre. Il le fut d’ailleurs. Le 25 décembre 800, Charlemagne rétablit l’Empire d’Occident après plus de trois cents ans d’absence (476). Cette régénérescence entraîna avec elle la « renaissance carolingienne », marquée par une redécouverte de l’Empire romain d’origine. Le peintre Henri Matisse disait que « la Renaissance, c’est la décadence ». Lorsque l’on sait ce qui se passa après la mort de Charlemagne, on ne peut qu’en être certain. À l’occasion d’un cours sur cette renaissance en 2003, Jean-Pierre Arrignon nous avait dit que l’on ne pouvait construire une culture sur le passé. La société carolingienne était différente de celle de Rome. Appliquer une culture du passé sur une société qui ne pouvait que la rejeter, fut évidemment un échec cuisant. La renaissance carolingienne ne dura qu’une génération, la suivante passa à autre chose, qui allait participer à la formation de la société féodale. De fait, revenir sur un passé idéalisé avait permis de construire un avenir probablement davantage par rejet que par continuité.
Il faut entretenir la mémoire du passé, mais le passé est passé ! Savoir d’où l’on vient peut expliquer où l’on va, mais cela ne donne ni le cap à suivre, ni l’objectif de vie commune pour une société. En cela, ceux qui regrettent un âge d’or et souhaitent y revenir se trompent. Ce qui est paradoxal est que, puisqu’ils utilisent l’histoire pour servir leurs idéologies, ils devraient le savoir. La restauration d’un Empire, au sens romain du terme, avec tous les symboles romains, tels que le passage d’une République à un Empire, ne fut pas vraiment utile à Napoléon Ier pour conserver son pouvoir. Le gag ultime fut le passage de l’Empire à la République, sous son neveu, Napoléon III, qui illustre bien le fait que l’on ne peut bâtir un avenir sur le passé, alors que la trajectoire normale, ici de la France, était de se débarrasser d’un monarque absolu (roi ou empereur). La Renaissance française du XVIe siècle engendra les guerres de religion, qui furent, je le rappelle, des guerres civiles n’ayant que peu de choses à voir avec la foi (cf. post sur le massacre de la Saint-Barthélemy).
Pour ouvrir le débat, une grande question existentielle émerge. Les renaissances, la recherche d’un retour à l’âge d’or, sont-elles le prélude de troubles dus aux transformations des sociétés ? Les candidats aux élections présidentielles de 2022 nostalgiques d’un passé soi-disant glorieux ont-ils conscience qu’ils précipiteraient notre pays dans un abîme ? On a besoin d’un passé commun pour lier, justifier et accepter une puissance publique à qui on délègue la gestion des grandes questions d’un groupe, mais il est absurde de vouloir revenir en arrière. Les solutions passées peuvent certes aider à la prise de décision, mais elles ne peuvent les orienter, car rien n’est mécanique dans le fonctionnement des sociétés. Les leçons de l’histoire sont des mythes. Ce n’est que par la nouveauté, certes inspirée par les actions passées, que l’on construit l’avenir d’une société. En principe, les citoyens ont le pouvoir de changer les dirigeants qui prennent des mesures contre eux, comme cela se fait en France depuis le rejet du référendum de 2005 par Nicolas Sarkozy, mais, si l’offre de candidats n’est composé que de représentants qui vont poursuivre ses mesures à l’encontre du peuple. Il est facile de comprendre la raison de l’absence de votes récurrente à chaque élection. À quoi cela sert-il d’élire des représentants qui ne vous représentent pas ? Cela est proche d’un parti unique dans lequel on piocherait tous les candidats, mais les politiciens n’ont aucun intérêt à changer ce système... Il faut le changer par la force d’actions collectives.
Le malaise de la Ve République n’est-il pas dû à un retour à une forme de monarque absolu élu pour cinq ans ? N’est-elle pas le prélude à des troubles à venir, dont les prémices furent les banlieues, les bonnets rouges et les gilets jaunes ? Il n’y a que l’avenir, et non le passé, qui le dira.
Maxime Forriez.
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