Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

Vers une rétractation des échanges mondiaux...

Date de publication : 26/09/2021

La géographie est têtue. Elle se moque des « lois » inventées par les économistes dans des cadres davantage idéologiques que scientifiques. La distance reste un frein à l’échange. Dans un cadre normal, tout lieu importe ce qu’il ne peut pas produire, et exporte ce qu’il produit en excès. Dans ce texte, les termes « importations » et « exportations » doivent être compris dans un sens non commun ; ils désignent respectivement des flux d’entrée et de sortie sans tenir compte du statut juridique. Par exemple, les villes importent et exportent des produits. Néanmoins, les termes peuvent revenir à leur signification vernaculaire lorsque l’on évoque les importations et les exportations des États. Par ailleurs, il s’agit d’une rapide réflexion personnelle, et non d’argumentation scientifique rigoureuse, donc si vous voulez compléter ou nuancer mes propos, n’hésitez pas, l’espace « commentaires » est là pour ça.

Dans les temps anciens, la distance a toujours été un frein, notamment dans la production agricole. Peu de denrées alimentaires supportent les longs voyages. Il fallait par conséquent produire localement. Cette situation explique les multiples guerres et invasions des peuples nomades. La sédentarisation apportait une grande richesse : la production agricole « stable ». Bien entendu, si les nomades pouvaient piller d’autres richesses matérielles (or, argent, bijoux, etc.), c’était un petit plus pour eux. Les produits d’exportation ne concernaient que les produits non périssables pour l’alimentation et les produits rares semi-transformés localement (soie, métaux précieux, etc.).

La révolution des transports au XIXe siècle, notamment par la voie ferrée, permit une spécialisation régionale des productions agricoles, dans un premier temps au niveau des États-nations, dans un second temps au sein d’organisations régionales regroupant inter-étatiques. En France, le réseau ferré était achevé vers la fin du XIXe siècle. Ce fut ainsi que les grandes régions de production agricole actuelle se constituèrent. Il était désormais possible de renoncer à une production strictement locale pour se concentrer sur les cultures les mieux adaptées aux différents micro-climats locaux. Ce qui n’était pas produit localement était importé d’ailleurs par le train.

À partir du milieu du XXe siècle, la conteneurisation des transports maritimes et l’augmentation de la vitesse des bateaux permit une nouvelle révolution des transports dont l’accomplissement final fut la mondialisation des échanges à partir des années 1990, nouvelle doctrine du monde post-Guerre froide. La distance ne semblait plus être un frein...

Dans le domaine des échanges, « distance » signifie « coût de transport ». Il est difficile de comprendre le processus de mondialisation sans avoir compris cette équivalence. Avant la seconde moitié du XXe siècle, les distances entre le lieu de production et le lieu de consommation étaient courtes, car, même si on pouvait échanger les produits alimentaires transformés via la technique de la réfrigération à partir du début du XXe siècle, les coûts de transport étaient supérieurs à un coût de production local. Ainsi, lorsque les usines européennes ou américaines migrent vers l’Asie aujourd’hui pour des mains-d’œuvre soi-disant moins chères, c’est parce que le coût de transport entre le lieu de production et le lieu de consommation est ridicule bas. C’est tout à fait logique. Si on paie peu la main-d’œuvre, mais le coût de transport est exorbitant, autant revenir sur les lieux initiaux de production afin de se rapprocher des lieux de consommation ! C’est le soi-disant nouveau processus de relocalisation, ou le processus plus ancien dit de « glocalisation ».

Avec l’arrêt des flux de biens l’année dernière, on assiste à des pénuries locales, car il n’est plus possible de garantir un coût de transport bas. Ainsi, naturellement, les usines fermées quelques années plus tôt devraient logiquement rouvrir dans la prochaine décennie. Les importations devraient de nouveau se concentrer vers les produits qu’il est impossible de produire sur place. De fait, on assisterait à un retour à la normale au niveau des échanges entre les lieux. La mondialisation n’aura été qu’une courte parenthèse dans l’histoire humaine.

Ainsi, le principe géographique de base se vérifie : « on échange principalement avec ses voisins, et exceptionnellement avec des territoires lointains ». Lors de mes nombreuses études de données, j’ai constaté que le processus de mondialisation n’avait jamais mis fin à ce principe de base. Ce sont les produits échangés qui ont évolué. Nous l’avons bien perçu l’année dernière : des produits qui pourraient être produits localement comme les médicaments, sont produits à l’autre bout de la planète, installant une dépendance normalement inadmissible pour les différents États ayant délocalisé leurs usines stratégiques. De plus, jamais les chantres de la mondialisation n’ont pensé que le système de transport pouvait s’arrêter. Ils n’imaginent même pas que le coût de transport pourrait devenir démentiel comme celui qui est prévu pour les jouets de Noël, en cette année 2021 !

Cet état du monde est celui de l’après-carbone dans une version très édulcorée. Sans énergie carbonée (pétrole, charbon, etc.), le transport à bas coût, ce sera fini ! Sans énergie carbonée, les machines reposant sur des technologies avancées ne pourront fonctionner. Bref, avant la fin du XXIe siècle, nous devrions naturellement assister à un retour vers l’état historique des échanges, celui d’avant le XIXe siècle, donc à une relocalisation des activités économiques avec un retour en force du secteur agricole. Nous nous dirigeons vers un monde sans industrie, sans service. La rétractation des échanges est inéluctable, mais ses conséquences restent difficiles à établir. Ce qui est certain est que le monde nouveau attendu, un monde dans lequel l’informatique régenterait nos vie, sera un monde éphémère, un monde marquant la fin du processus de mondialisation qui se débat pour suivre dans le cadre d’une pénurie croissante des ressources de notre planète. Le poisson se débat toujours hors de l’eau avant de mourir...

Maxime Forriez.

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