Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

Le 29 mai 1453, la chute de Constantinople... Le début d’un nouvel Empire !

Date de publication : 26/05/2021

La chute de Constantinople est un incontournable de l’histoire européenne, voire mondiale. Toutefois, la fin de l’Empire romain d’Orient marqua le début d’un nouvel Empire (romain). Vous l’avez compris j’espère, je ne parle pas des Turcs, mais des Russes. En ce triste anniversaire, voyons en quoi sont-ils les héritiers de Rome ?

Étape 1. La prise de Constantinople par les Croisés en 1204

Le récit de La IVe chronique de Novgorod montra le choc du sac de Constantinople en Russie. Quelques précisions par rapport au post expliquant cet événement. Les Russes ne furent pas choqués par le pillage. C’était une pratique courante au XIIIe siècle. Ils ne supportèrent pas l’humiliation infligée aux Chrétiens orthodoxes par les Chrétiens catholiques. Pendant l’Empire latin (1204-1261), les Occidentaux désacralisèrent les églises orthodoxes. Après la chute de l’Empire latin, les Catholiques migrèrent dans le nord de l’Europe avec les Chevaliers Teutoniques. Ils firent preuve de la même intolérance sur les rives de la mer Baltique. Désormais, l’Occident devint un signe d’Antéchrist pour les Russes.

Étape 2. Le schisme entre l’Église russe en 1442/1443

Entre 1437 et 1439, le concile œcuménique de Ferare-Florence eut lieu. Son objectif était de réunir les deux Églises, orthodoxe et catholique. Officieusement, il s’agissait de convenir d’une nouvelle croisade contre les Turcs. Jean VIII Paléologue (1392-1448), empereur d’Orient de 1421 à 1448, ne pouvait plus les contenir et était complètement débordé par la situation, seules les puissantes troupes de l’Occident pouvaient garantir un avenir à Constantinople.

Je ne vais pas passer en revue l’intégralité des querelles religieuses entre les deux Églises, mais il faut bien comprendre qu’elles n’étaient ni superficielles, ni secondaires dans les questions géopolitiques de l’époque.

Le métropolite russe de 1437 à 1441, Isidore (vers 1385-1463), fraîchement nommé à Moscou, arriva vers la fin du concile. Pressé par les Turcs, Jean VIII Paléologue obligea les légats de Constantinople d’accepter toutes les conditions papales sans négocier. Un Acte d’Union entre les deux Églises fut signé. Isidore suivit le mouvement et revint en Russie avec l’accord. Le voyage fut long. Il arriva à Moscou en 1441. Vassili II (1415-1462), prince de Moscou de 1425 à 1462, refusa de valider l’union entre les Églises. Pendant trois jours, les autorités moscovites tentèrent de faire renoncer Isidore à ce texte. Le quatrième jour, ils le firent interner au monastère du Tchoudov. Il s’enfuit six mois plus tard et revint à Rome où le pape le nomma cardinal et responsable de mettre en place l’Église uniate, qui perdure toujours aujourd’hui en Ukraine.

Vassili II intronisa l’évêque de Riazan, Jonas (?-1461), métropolite de Moscou de 1442/1443 à 1445, sans demander la confirmation du patriarche de Constantinople. Ce fut le début de l’autonomie de l’Église russe.

Étape 3. Le mariage de Zoé Paléologue (1455-1503) et d’Ivan III (1440-1505) en 1472

Ivan III, prince de Moscou de 1462 à 1505, devint le « souverain de toute la Russie » (c’était son titre officiel). Il était le seul à porter : le sceptre, le globe et la couronne de grand-prince. La fille du prince de Tver qu’il avait épousée en premières noces étant décédée, il décida d’épouser Zoé Paléologue, nièce de Constantin XI Paléologue (1404/1405-1453), dernier empereur de Constantinople de 1448 à 1453, et fille du despote de Morée, Thomas (1409-1465).

Depuis 1460, Zoé vivait en exil à la cour du pape de Rome. Les négociations du mariage eurent lieu avec Sixte IV (1414-1484), pape de 1471 à 1484. Le pape souhaitait bien entendu toujours unir l’Église russe avec celle de Rome. Jean Battista della Volpe (ou Ivan Friazine) (?-?) représentait Ivan III. Les négociations aboutirent. Zoé fut conduite à Moscou par un légat du pape. Elle fut accueillie à Pskov par le clergé russe, et y reçut un nouveau prénom, Sophie. Le mariage eut lieu le 12 novembre 1472.

Par ce mariage, Ivan III devenait l’héritier de Constantinople, donc de Rome. Sophie apporta en dot à Ivan III deux éléments : (1) le blason de l’Empire d’Orient de l’aigle à deux têtes ; (2) le cérémonial byzantin à la cour russe. Ivan III était le successeur légitime de Constantinople. L’orthodoxie avait de nouveau un chef politique et militaire.

Sophie demeura auprès d’Ivan III jusqu’à sa mort en 1503.

Étape 4. L’avènement du tsar en 1547 et la théorie de la Troisième Rome

« Deux Romes sont déjà tombées, la première sous le coup des Vandales, la deuxième sous le coup des Turcs, la troisième, Moscou, est debout et de quatrième, il n’y aura pas ! » (Lettre du moine Philothée (1465-1532) à Vassili III (1479-1533), prince de Moscou de 1505 à 1533, vers 1510-1511. Je vous ai déjà proposé un post sur la Troisième Rome. J’espère que vous comprenez un peu mieux tous les enjeux de cette expression.

L’Église russe avait besoin d’un empereur autocrate afin de poursuivre et achever son émancipation par rapport à Rome. Autocrate du pays russe, le grand-prince l’était depuis Vassili III. Elle voulait que les grands-princes reprissent la titulature impériale d’Orient, vacante depuis 1453. Ivan III et Vassili III refusèrent tous deux de prendre la tête de la chrétienté orientale. La minorité d’Ivan IV le Terrible (1530-1584), fils de Vassili III, offrit une occasion en or à l’Église russe de procéder à un couronnement impérial. Il eut lieu le 16 janvier 1547 dans l’église de la Dormition du Kremlin de Moscou des mains de (saint) Macaire (1482-1563), métropolite de Moscou de 1542 à 1563, avec la chapka de Monomaque. Toutefois, le titre de tsar n’était pas encore un titre impérial au sens propre du terme. Il fallut attendre Pierre Ier le Grand (1672-1725) pour que les souverains russes acceptassent la titulature impériale en 1721.

Pour l’heure, le couronnement d’Ivan IV le Terrible permit à Moscou de devenir un patriarcat en 1589, nouveau centre de gravité de l’Église orthodoxe, Constantinople avait vécu.

Comme le rappelait souvent Jean-Pierre Arrignon (1943-2021), c’est cet héritage que défend Vladimir Poutine, et, bien avant lui, Staline. La Russie a besoin d’un homme fort à sa tête. Elle a une vision démocratique très particulière. Elle est très éloignée de canons occidentaux, mais elle n’en demeure pas moins valable. La vision russe est celle de la Rome antique, celle dont l’Occident lui-même s’est détaché au cours des siècles. Elles sont incompatibles. L’Occident fait des lois qu’il ne respecte pas. La Russie fait des lois qu’elle respecte durement. Par exemple, Emmanuel Macron fut plusieurs humilié par Vladimir Poutine, non pas parce que ce dernier était agressif avec lui, mais parce qu’il lui rappelait sans cesse les traités internationaux concernant l’Ukraine que la France avait signés, mais n’a jamais honoré ! Vous n’honorez pas votre signature, pourquoi honorions-nous la nôtre ? Tel est le raisonnement implacable de Vladimir Poutine. Il faudra un jour rappeler à nos dirigeants que notre allié naturel en Europe est la Russie, et non les États-Unis. Traiter la Russie en ennemi est l’une des pires fautes dans le domaine de la géopolitique qu’ont pu faire nos derniers gouvernements.

Maxime Forriez.

P.S. Je devais publier ce texte le 29 mai 2021, mais, étant occupé ce jour-là, je prends un peu d’avance.

Commentaires :

Veuillez compléter tous les éléments du message !

Aucun commentaire n'a été formulé !