Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

Le baptême de Vladimir Ier le Grand (989)

Date de publication : 09/05/2021

La Rus’ de Kiev se constitua au milieu du IXe siècle. Païenne, pour des raisons géopolitiques, elle devint chrétienne un siècle plus tard. À la différence de (sainte) Olga (cf. post sur le sujet), baptisée entre 957 et 961, (saint) Vladimir Ier convertit tout un peuple au futur christianisme orthodoxe (le schisme n’avait pas encore eu lieu lors de son baptême). Son baptême est tout aussi important que celui de Clovis Ier en Gaule, 400 ans plus tôt, mais il reste méconnu. Voyons les détails de cette histoire passionnante qui éclaire également ce qui se passe en Europe orientale entre l’Ukraine et la Russie.

Fils bâtard de Sviatoslav Ier le Brave (942-972), la légitimité de Vladimir Ier le Grand (958-1015) était discutable en tant que grand-prince de 980 à 1015 de la Rus’ de Kiev. Afin d’y remédier, Vladimir Ier voulut s’appuyer sur le paganisme en rassemblant toutes les divinités autour du dieu Péroun, dieu du tonnerre et du pouvoir, adoré par les Baltes et les Slaves, mais adopté par les Rus’. Il fit une statue en bois à Kiev. Cette divinité était déjà invoquée dans les traités de 944 et de 971, ce qui montre son importance. Autour de Péroun, il y avait essentiellement cinq autres dieux, vénérés par les Slaves du Sud et de l’Est : Khors, Dajbog, Stribog, Semargl et Mokoch. Cet imposant panthéon prouvait la grande hétérogénéité de la population de Kiev dans la seconde moitié du Xe siècle.

En 985, Vladimir Ier et son oncle Dobrynia menèrent une campagne contre les Bulgares de la Volga. Des émeutes éclatèrent alors à Kiev. Elles furent déterminantes pour Vladimir Ier. Il comprit que le paganisme ne permettait pas de rassembler les populations et les tribus dans un ensemble soudé par une foi commune. En effet, une partie de la population des villes avait adopté le christianisme. Néanmoins, le paganisme autour de Péroun restait une force centrifuge importante.

Vladimir Ier chercha à entrer dans une foi monothéiste, la seule capable de valider un pouvoir autocratique et un principe dynastique. Toutefois, quelle foi choisir ? le christianisme romain ? le christianisme constantinopolitain ? l’islam ? le judaïsme ? Toutes les options étaient posées. Pour se décider, Vladimir Ier envoya ses boyards enquêtés à l’étranger, mais seule une opportunité politique pouvait trancher son choix. Il la trouva à Constantinople.

En 987, les généraux byzantins, Bardas Skléros (?-991) et Bardas Phokas (940-989), assiégeaient Constantinople, menaçant les empereurs Basile II (vers 958-1025) et Constantin VIII (vers 960-1025). Conformément aux traités de 944 et de 971, Basile II fit appel à Vladimir Ier en envoyant (saint) Théophylacte (XIe siècle-1126), évêque d’Ohrid à Kiev. Vladimir Ier accepta d’honorer les traités s’il épousait la porphyrogénète, (sainte) Anne (963-vers 1011), sœur de deux empereurs. En principe, une telle union était impossible, mais, face à la situation, les deux frères acceptèrent si Vladimir Ier acceptait le baptême. Ainsi, il reçut à Kiev la prima signatio, c’est-à-dire devint un catéchumène. L’accord conclu, il envoya une armée de 6 000 Varègues dans l’Empire d’Orient. Elle fut victorieuse lors de la bataille d’Abydos le 13 avril 988.

À la Pentecôte 989, conformément à l’accord, Anne fut envoyée à Kherson, accompagnée par une suite de prêtres, où ils furent accueillis par Vladimir Ier. Il y fut baptisé, puis se maria avec Anne en 989. Les époux regagnèrent Kiev où un baptême symbolique du peuple eut lieu dans le Dniepr le 15 août 989. Par la suite, Vladimir Ier tenta de christianiser la société rus’.

La Rus’ de Kiev entra ainsi dans l’oikouménè byzantine. La statue de Péroun fut jetée dans le fleuve. L’église de la Mère-de-Dieu, « sainte Théotokos dite de la Dîme », fut alors construite en 990. Vladimir Ier entrait ainsi dans le génos impérial. Il avait réussi son stratagème, ce n’était plus un simple bâtard. En 991, Kiev accueillit le siège du métropolite, chef de l’Église russe.

En devenant chrétien, Vladimir Ier réussit à ériger sa dynastie au-dessus de celles des autres princes tribaux de la Rus’. Dit autrement, il instaura le principe dynastique pour la succession au sein de la famille des Riourikides. Néanmoins, la primogéniture n’était pas encore à l’ordre du jour, la succession s’effectuait toujours de frère à frère, ce qui conduisait inexorablement à une guerre civile entre oncle(s) et neveu(x) lors de la succession. À la mort de Vladimir Ier, la guerre civile dura quatre années entre 1015 et 1019.

Maxime Forriez.

Références

Jean-Pierre Arrignon, 2003, La Russie médiévale, Paris, Belles-Lettres, 242 p.

Jean-Pierre Arrignon, 2020, Une histoire de la Russie, Paris, Perrin, 630 p.

Remerciements à J.-P. Arrignon de m’avoir sensibilisé à l’histoire russe il y a 20 ans.

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