Dernière mise à jour : le 9 janvier 2024

La numismatique

Date de publication : 05/05/2021

Travaillant dans une entreprise offrant des services aux mondes financiers, voyons aujourd’hui l’un des matériaux le plus courant en histoire, dans le sens où on en trouve toujours de nouvelles lors de fouilles archéologiques, la pièce de monnaie. Pour ne pas avoir à répéter l’expression, dans ce texte, il faut entendre, sauf exception clairement spécifiée, que lorsque j’écris « monnaie », je parle de « pièce de monnaie », et non pas de la notion économique et sociologique de monnaie.

La numismatique étudie un champ très large : les pièces à proprement dit, la manière de les fabriquer et la mise en circulation. Elle étudie également les médailles. Les médailles apparurent au XVe siècle. Leur objectif consiste à commémorer un événement. Par exemple, en 1461, Charles VII fit graver des médailles en bronze pour commémorer sa victoire contre les Anglais (177 g). Actuellement, le jeu de médailles le plus connu est la « monnaie de Paris », mais, dans le passé, il était courant de faire fondre son or et son argent, non pas en lingots, mais en pièces ; on parle alors de signes monétéiformes. Celles-ci ne pouvant être légales, nous reviendrons sur l’évolution de personnages physiques ou moraux ayant le droit de battre la monnaie légale, on appelle ce type de frappe des médailles. Néanmoins, lorsqu’elles sont en or ou en argent, ou qu’elles sont vraiment rares, leur valeur intrinsèque ou désirée en fait une monnaie alternative qui, pour moi, est beaucoup moins risquée que les monnaies numériques...

Toutefois, il existe d’autres signes monétéiformes : les jetons, les méreaux, les piéforts et les épreuves. Le jeton était un pion servant à compter. Avec le temps, les modèles devinrent plus sophistiqués. Au XIVe siècle, la ville de Nuremberg fabriquait des jetons de laiton brillant comme l’or. Au milieu du XIVe siècle, les jetons des Grands étaient en métaux précieux : le duc de Berry et Charles le Téméraire en avaient en or. Aujourd’hui, ce type de monnaie est utilisé dans les casinos par exemple.

Je ferai un post spécifique sur les monnaies médiévales franques, puis françaises. Ici, il s’agit de poser le vocabulaire de la discipline. La numismatique, comme l’héraldique, souffre d’un problème de définition. Est-ce une science ou une méthode historique ? La réponse étant la même que pour l’héraldique (cf. post sur le sujet), je ne m’y attarderai pas davantage.

Une pièce est une plaquette de métal se composant de deux faces planes avec une tranche. Elle dispose d’un avers (ou droit), c’est-à-dire une face portant une empreinte, et d’un revers, c’est-à-dire une face secondaire. Au Moyen Âge, l’avers représentait le souverain, le revers une Vierge, une symbole, un signe d’identification. Vous l’aurez compris, tout comme l’héraldique, la numismatique étudie le symbolisme des pièces. Une empreinte désigne soit un motif figuré, appelé le type, soit une inscription explicative sur la pièce, la légende. Celle-ci entoure le type et se lit dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. La dernière empreinte concerne la bordure en saillie, le différent. Pour un roi, le type peut être une représentation équestre, pédestre, en majesté, franc à pied et franc à cheval. Pour l’empereur, le type est une représentation en profil et en buste à la romaine, mais il peut apposer son monogramme. Une marque est un ensemble de points secrets permettant d’authentifier la pièce et identifie le lieu de frappe. Le module est le diamètre de la pièce, la plupart des monnaies étant rondes. Le poids est la quantité de matériau précieux ou non présente dans la pièce. Il ne doit pas être confondu avec le titre qui est la proportion de métal fin (or ou argent) entrant dans la composition de l’alliage. Il s’agit par conséquent d’un rapport entre le métal précieux et le poids total de la pièce. Aujourd’hui, ce ratio est mesuré en carats pour l’or et en denier pour l’argent. La difficulté est que le rapport de référence n’est pas le même pour l’un et pour l’autre. 1 carat signifie que pour 24 grammes de métal, vous avez un alliage comprenant 1 gramme d’or, mais 1 denier signifie que pour 12 grammes de métal, vous avez un alliage comprenant 1 gramme d’argent. L’usage des multiples de douze par rapport à une unité de référence - vous imaginez bien qu’avant le XIXe siècle le système métrique n’existait pas - remonte à l’Antiquité (cf. post sur la loi salique). Une petite mise en garde doit être faite. Dans les textes anciens, le poids est désigné par le terme « taille », et le titre par les termes « aloi » ou « loi ». Titre et poids sont fixés par l’autorité ayant droit de battre monnaie. Pour finir, de tout temps, elle fixe également un cours si elle émet un grande masse monétaire (ici un grand nombre de pièces). Il s’agit de vérifier l’équivalence entre le poids et le titre d’une autre monnaie.

La plupart des pièces sont rondes avec un module, en moyenne, compris entre 10 et 30 mm. Les plus petites pièces sont celles du Bas-Empire romain, quelques millimètres. Lorsque l’on fouille, il ne faut pas la louper. Le record est un module de 90 mm pour la Castille au XVe siècle. On ne peut jamais identifier une pièce grâce à sa taille d’origine, car, lors des crises économiques, la majorité des pièces qui nous sont parvenues ont été rognées, c’est-à-dire que des petits bouts de métal étaient découpés sur le bord de la pièce, afin de les faire fondre et de récupérer les métaux précieux. Une pièce ancienne et médiévale non rognée est suspecte...

La numismatique est une source historique ayant des limites très importantes. À part pour la période contemporaine, on ignore tout des monnaies scripturaires (billets, chèques, lettres de change, etc.) et des monnaies alternatives (fourrures en Occident, soie dans le monde musulman, épices, etc.).

Par contre, l’étude de la monnaie permet d’identifier les périodes de dévaluation, d’inflation et de déflation en étudiant les variations observées au niveau des poids et des titres. La comparaison de plusieurs monnaies ayant un cours dans une même période historique permet savoir si la monnaie est faible ou forte. Pour finir, elle renseigne sur la masse de métaux précieux en circulation. Si elle est importante, il y aura naturellement un bimétallisme (or et argent), tandis que, s’il y a une pénurie de l’un ou de l’autre métal, il y aura un monométallisme, en général en faveur de l’argent en Europe jusqu’à la découverte de l’Amérique.

Jusqu’au XXe siècle, l’ensemble des monnaies était réel, c’est-à-dire reposant sur un cours ajusté sur la valeur intrinsèque des métaux précieux. Elles s’opposent aux monnaies fiduciaires actuelles reposant sur la confiance envers les institutions émettrices.

Comment une pièce peut-elle devenir une source historique ? Le premier élément concerne la monnaie en elle-même. Elle permet d’écrire l’histoire de la métrologie, culturelle, sociale, politique et artistique. Le deuxième élément est la localisation de la découverte. Elle est plus délicate à obtenir, surtout si elle est ancienne. Aujourd’hui, avec l’archéologie de terrain, on la relève systématiquement. Ne pas le faire revient à détruire une information historique. En effet, la localisation permet de repérer les lieux d’échange et d’observer la diffusion monétaire dans les temps anciens. En archéologie de terrain, la découverte d’une pièce peut permettre de dater une couche archéologique.

Comment sont fabriquées les pièces d’or et d’argent ? (1) On prend un lingot brut. (2) On découpe en carrés ce lingot. (3) On donne une forme ronde à la pièce sans apposer un seul symbole ; c’est le flan. (4) On place le flan dans un morceau de bois portant les empreintes, appelé le coin. Ce dernier est divisé en deux parties : une partie fixée au sol appelée pille et une autre mobile appelée trousseau. (5) La pièce est alors frappée. De fait, par cette technique de fabrication, il n’est pas rare de manquer son coup. La vibration du coin est alors visible sur la pièce via un bord aplani. Il s’agit d’une pièce tréflée. Toutefois, précisons que les pièces en plomb ou en étain sont plutôt directement fondues dans un moule. Ainsi, sauf exceptions historiquement documentées, elles ne peuvent être tréflées. Le principal problème de la frappe est que le coin s’use très vite. Cela signifie que plus une monnaie est frappée, plus elle devient illisible avec le temps si le coin n’est pas remplacé.

Les monnaies anciennes étant toutes en or ou en argent, constituent un placement sûr et peu encombrant. Il est plus facile de spéculer sur les pièces que sur les tableaux d’artistes cotés ou les bouteilles de vins. Une simple boîte en plastique renforcée permet de stocker les pièces les plus rares.

Maxime Forriez.

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