La mort à Pompéi : les dernières demeures des Pompéiens
Date de publication : 14/10/2020
Ce post s’inscrit dans une série présentant le rapport à la mort dans une cité provinciale romaine.
Il résume les travaux de maîtrise de Maryvonne Leprêtre intitulé La mort à Pompéi. La voie des tombeaux (1999) sous la direction de J.-N. Corvisier. Sa problématique cherchait à répondre à trois questions. (1) Quelles sont les caractéristiques des nécropoles pompéiennes ? (2) Comment se définissent les tombes ? (3) Comment est perçue la mort à Pompéi ?
Pompéi est un arrêt sur image de la civilisation romaine du début du Ier siècle p.-C. Il s’agit d’un lieu rempli d’éléments du quotidien qu’archéologues et historiens décortiquent minutieusement depuis sa découverte. L’étude des nécropoles pompéiennes permet de comprendre le rapport à la mort des Romains du quotidien.
« L’Antiquité a davantage construit pour les morts que pour les vivants. » (Bactofen). Vous allez découvrir aujourd’hui la structure d’une tombe romaine, et vous verrez que cela ne ressemble absolument pas à une tombe contemporaine. Pour bien appréhender ce texte, il faut savoir que les Pompéiens, jusqu’à l’éruption du Vésuve en 79 p.-C, connurent deux types de tombes : celles contenant les urnes funéraires, après inhumation, et celles contenant des corps complets. Dans un premier temps, il est possible d’offrir une description détaillée de l’extérieur et de l’intérieur des tombes fouillées. Dans un second, une multitude de détails peut être analysé.
La partie extérieure de la tombe évolua fortement dans le temps. On part d’une forme simple qui se complexifie progressivement. Dans une première phase, les urnes étaient enfouies dans le sol au sein d’un espace clos. Dans une deuxième phase, des formes de temples ornées de statues apparurent au sein desquels les urnes étaient déposées à l’intérieur de niches. Dans une troisième phase, une nouvelle forme émergea : la sépulture en forme d’autel, dont nous avons parlé lors du dernier post. Il existe deux éléments permettant le dépôt des urnes : les mêmes niches évoquée en phase 2 et des sortes de bancs dans lesquelles furent constitués des niches. Cette progression montre que les dimensions et les styles des tombeaux se transformèrent au fur et à mesure que la ville s’enrichissait.
Toujours du point de vue extérieur, il existe six formes tombes. (1) Le premier type est un dépôt de l’urne en terre sur laquelle un cippe s’élève avec le nom du défunt. (2) L’autel consistait de volutes de forme quadrangulaire culminant à un mètre de haut. L’autel servait aux libations. (3) Le tombeau édifice se décompose en trois sous-catégories : (a) le tombeau-autel qui n’était plus en vogue avant la destruction de la ville ; (b) le tombeau-niche constitué d’une niche voûtée arrondie ; (c) le tombeau en forme de temple. (4) Le mausolée était une tour ronde s’élevant sur un socle quadrangulaire. (5) On trouve également des tombes en forme de triclinium. (6) À Nocera, il existe pour finir une et une seule tombe en forme de pyramide.
La partie intérieure de la tombe contient de nombreux éléments variant en fonction du type de tombe. Cela peut être une chambre sépulcrale qui pouvait contenir un banc qui faisait tout le tour de la salle, ainsi que des niches percées dans les murs dans lesquelles il y avait des urnes et des amphores contenant des cendres. Par contre, le columbarium était une grande salle voûtée, dont les murs étaient percés d’une suite ininterrompue de niches. Là, on peut remarquer une grande différence avec nos cimetières actuels dans lesquels la plupart des columbaria sont à l’extérieur, soumis aux intempéries. Au niveau des urnes cinéraires, le matériau détermine la nature sociale du défunt : la terre cuite (la olla) était réservée aux esclaves ; la pierre (l’urna) et le marbre (le cinerarium) étaient réservés aux hommes libres, et, bien évidemment, le type de pierre utilisé détermine la condition sociale du défunt. Les urnes se déployaient sous deux formes : la forme cylindrique et la forme rectangulaire. Dans les tombes romaines, il est rare de découvrir du matériel archéologique. Ce sont plutôt les tombes pérégrines des Osques ou des Samnites qui en contiennent.
À côté des tombes, il pouvait exister trois types de constructions annexes. (1) Le bustum était une fosse d’au minimum un mètre de profondeur contenant les os et les cendres. (2) L’ustrinum est un bustum dans lequel une incinération fut pratiquée par un ustor. (3) Le triclinum était un lieu dans lequel la famille et les amis du défunt banquetaient le jour de l’anniversaire du défunt. Cela se pratiquait dans une salle protégée par un velum.
La décoration des tombes était riche. Elle montrait des scènes de la vie du défunt, des scènes mythologiques, des symboles sépulcraux (banquet funéraire, jeux funèbres), mais surtout des inscriptions. Ces dernières sont très précieuses en archéologie et en histoire ancienne, car elles fournissent le nom du défunt, sa titulature, sa profession et sa condition sociale, ainsi que la date de sa mort. Cela permet d’estimer la population de Pompéi, car, rappelons-le, il n’existait pas d’état civil dans l’Antiquité, et si tant est qu’il y en existât un, il aurait été détruit par l’éruption.
Ainsi, l’étude des tombes peut paradoxalement aboutir à une étude démographique. Toutefois, elle demeure très approximative, mais elle fournit des données exploitables. Les limites des études de ce type sont nombreuses. Si la date du décès figure sur les tombes, il est rare d’avoir l’âge du décès, et il est difficile de dater l’âge d’un défunt à partir de ces cendres. Par ailleurs, les enfants n’avaient pas de tombe. De fait, ils n’ont aucun épitaphe. Ainsi, il reste impossible de déterminer la mortalité infantile. Cela étant, le taux de mortalité devait être incroyablement bas d’après l’étude des ossements retrouvés. Les données du matériel épigraphique funéraire ne sont guère représentatives de la mortalité réelle. En effet, il s’agissait d’une commémoration, et non d’un souvenir.
L’unique information fiable que nous ayons est que les tombes étaient de plus en plus somptueuses et de plus en plus nombreuses à Pompéi. Cela peut être souligné par trois éléments. (1) Les magistrats durent prendre une loi fixant un minimum de jour de travail pour l’érection des tombeaux. (2) Les autorités pompéiennes durent imposer des normes aux dépenses et aux manifestations funéraires. Il y avait, par exemple, une taxe sur les dépenses somptueuses excessives au niveau de l’érection des tombeaux. (3) L’espace funéraire devait être éloigné d’une propriété privée d’au moins 60 pieds. Là, il s’agit d’une condition hygiène élémentaire que les Romains avaient comprise et expliquaient religieusement (nous verrons ça dans le prochain post), et qui se perdit avec l’avènement du christianisme qui plaça les cimetières, en ville ou dans les villages, autour des églises, voire dedans.
Ainsi, honorait-on les morts à Pompéi. Contrairement à nos sociétés contemporaines qui la fuit, les Romains vivaient avec la mort. Ils considéraient qu’elle faisait partie de la vie et qu’il ne fallait pas chercher à la fuir. Par ailleurs, elle permettait à la famille du ou des défunts de faire la fêter chaque année afin d’honorer le mort et, certainement, de renforcer le lien des vivants entre eux. C’était vraiment une autre logique, un autre monde.
Maxime Forriez.
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