Dernière mise à jour : le 14 octobre 2015

L’Afrique subsaharienne du milieu des années 1950 à la fin des années 1980
Cours écrits et réalisés par Maxime Forriez (2015)

    L’Afrique subsaharienne (ou l’Afrique noire) a été massivement colonisée par les Européens à partir des années 1850, c’est-à-dire qu’ils ont pris possession par la force d’un territoire africain. Seule Éthiopie est restée indépendante, si l’on excepte son invasion par l’armée italienne entre 1936 et 1946. Les deux acteurs principaux de cette colonisation ont été la France et le Royaume-Uni. Cela étant, il existe d’autres États coloniaux plus modestes : l’Espagne, la Belgique, le Portugal et l’Italie.

    Ne font pas partie de l’Afrique subsaharienne : le Maroc, le Sahara occidental, l’Algérie, la Libye et l’Égypte.

    La décolonisation est un processus consistant à donner l’indépendance à une colonie, c’est-à-dire créer un nouvel État. L’histoire a connu deux grandes vagues de décolonisation, qui achèvent deux grandes vagues de colonisation. La première décolonisation a eu lieu des années 1780 aux années 1820 en Amérique. La seconde décolonisation a eu lieu entre les années 1930 et les années 1980 en Asie et en Afrique.

    La décolonisation de l’Afrique subsaharienne présente des spécifiques importantes par rapport aux autres. (1) Elle a été rapide, si l’on excepte les décolonisations tardives de la Namibie, des Comores et du Mozambique. Toutes ont eu lieu dans les années 1960. (2) Les États ont été créés de toute pièce par les Européens et ne correspondent à aucune réalité ethnique, ce qui fait que peu de temps après l’indépendance la plupart des États ont sombré dans la guerre civile ou dans la dictature. (3) La décolonisation a plutôt été pacifique, c’est-à-dire négociée, si l’on excepte le Kenya qui connut quelques actions terroristes avant son indépendance. (4) Tous ont bénéficie de l’aide de l’Organisation des Nations unies (O.N.U.) et y sont entrés immédiatement après leur indépendance. (5) Les nouveaux États connaissent un important problème de développement.

  1. Les causes de la décolonisation

  2.     Il existe trois grandes causes. (1) La Seconde Guerre mondiale a révélé la faiblesse des métropoles à leurs colonies respectives. La Belgique a été vaincue en 48 heures. La France, première armée du monde, a été vaincue en cinq semaines. Le Royaume-Uni n’a résisté que grâce à l’aide des États-Unis d’Amérique, qui était paradoxalement son ancienne colonie. (2) Les colonisés ont développé dans les années 1930 des élites intellectuelles autochtones pouvant porter la charge d’un État. (3) L’Organisation des Nations unies, dès sa constitution en 1945, s’est prononcée pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, renforçant les courants anticolonialistes des colonisés.

        L’affirmation du monde bipolaire de la Guerre froide a été un facteur favorable à la décolonisation. D’ailleurs, toute décolonisation s’est réalisée avec pour arrière-plan la Guerre froide.

        La décolonisation commence par l’Asie dès la fin de la Seconde Guerre mondiale. Durant l’occupation japonaise, les peuples asiatiques ont pris conscience qu’il était temps que les Européens rentrent chez eux. Les Philippines ouvrent le bal en 1946, l’Inde, la Birmanie et Ceylan en 1947, l’Indonésie en 1949, la Malaisie en 1957 et l’Indochine en 1954.

        Les guerres coloniales françaises ont servi d’exemples à l’ensemble des puissances coloniales. Ainsi, la décolonisation de l’Afrique subsaharienne a par conséquent été négociée entre les métropoles et leurs colonies. Néanmoins, certaines indépendances, sans violence, ont dégénéré en violents conflits ethniques (Congo, Rwanda, Burundi).

        Cela étant, le Portugal, dirigé alors par le dictateur António de Oliveira Salazar (1889-1970), refuse cette vague de décolonisation dans ses deux colonies : l’Angola et le Mozambique. Des mouvements de guérillas s’installent dans ses colonies. Salazar démissionne en 1968, et, dès 1975, le Portugal redevenu une démocratie, leur donne leur indépendance respective.

        Il existe un dernier cas particulier : celui des colonies de peuplement, c’est-à-dire des colonies où il y a eu une migration massive de Blancs : l’Afrique du Sud ou la Rhodésie du Nord. Ces deux États ont connu l’apartheid (jusqu’en 1980 en Rhodésie du Nord et jusqu’en 1991 en Afrique du Sud). Il s’agissait d’une organisation territoriale favorisant la minorité blanche par rapport à la majorité noire, c’est-à-dire fondée sur une ségrégation raciale.

  3. La création de nouveaux États

  4.     La création de nouveaux États implique le choix (1) d’un régime politique et (2) d’un modèle économique. Cela était indispensable dans le monde bipolaire des années 1960.

    1. Le choix du régime politique

    2.     Les États ont le choix entre le régime démocratique ou le régime dictatorial. Après quelques années de démocraties, la plupart des États de l’Afrique subsaharienne indépendante sont devenus des dictatures après de longues années de guerres civiles. Tel a été le cas du Congo entre 1960 et 1965 qui aboutit à l’avènement du général Joseph-Désiré Mobotu (1930-1997). Ainsi, les États sont principalement dirigés par des partis uniques, correspondant aux anciens partis indépendantistes.

          Pour affirmer leur africanité, certains États changent de nouveaux. La Rhodésie du Nord devient le Zimbabwe en 1980 et la Haute-Volta devient Burkina Faso en 1984.

          La plupart des États francophones ont adopté une Constitution proche de la Constitution française de 1958, mais le régime reste rarement démocratique. Les régimes souffrent de la corruption des cadres et des dirigeants.

    3. Le choix du modèle économique

    4.     Les États ont le choix entre le modèle libéral et le modèle soviétique. Le modèle libéral a été opté dans certains États ayant des ressources en matière première, énergétiques et agricoles intéressant les grandes puissances. Le Congo est riche en minerais par exemple. La Côte-d’Ivoire s’est spécialisée dans la production de cacao. Le modèle soviétique correspond à ce que l’on appelle une économie dirigiste, c’est-à-dire entièrement contrôlée par l’État. Ce choix a été opté par l’Éthiopie par exemple.

  5. Les problèmes communs des nouveaux États

    1. Le problème du développement

    2.     Le développement est une idée apparue dans les années 1950 qui promeut une transformation générale de la société par les progrès techniques.

    3. Le problème démographique

    4.     Les États d’Afrique subsaharienne entrent dans le processus de la transition démographique dans les années 1950. Cela a provoqué une importante augmentation de la population noire sur le continent africain.

          Cela pose un important problème alimentaire. Comment nourrir cette nouvelle population ? Comment garantir l’indépendance alimentaire de ces nouveaux États ? Le problème est complexe. Certains États ont une agriculture développée, mais elle est vite réservée à l’exportation. D’autres États, ceux du Sahel, connaissent un important processus de désertification, grignotant d’année en année les terres cultivables.

          Les difficultés dans les campagnes aboutissent au départ de leur population vers les villes qui deviennent de plus en plus grandes. Tout comme pendant la révolution industrielle, les villes africaines accueillent des industries qui fournissent de nouveaux emplois, mais de manière insuffisante. Pour la première fois de l’histoire, l’urbanisation et l’industrialisation engendrent la pauvreté. Cet état de fait est principalement dû au non contrôle de la constitution d’infrastructures ou de services pertinents.

          En 1980, plus de la moitié de la population a moins de 25 ans. C’est une population qui est souvent sans emploi, qui a faim et qui se révolte régulièrement.

    5. Le problème de l’insertion dans l’ordre international

    6.     Les nouveaux États d’Afrique subsaharienne arrivent dans un monde déjà constitué depuis les années 1950. Par ailleurs, ils estiment que leur retard de développement est dû à leur colonisateur, qui, la plupart du temps, n’ont fait que développé un port connecté aux zones de richesses minière de la colonie par une ligne de chemin de fer. Pour combler cet écart, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (C.N.U.C.E.D.) a été créée en 1964. Elle avait un double objectif : (1) développer les solidarités internationales ; (2) encourager le développement économique des États du Tiers-monde.

          Certaines coutumes concernant les femmes sont mal acceptées par les Occidentaux qui dominent le monde. Les sociétés d’Afrique subsaharienne n’admettent pas l’égalité des sexes. Certaines régions pratiquent l’excision et les viols massifs des femmes.

  6. La nécessité de créer des organisations internationales

  7.     Les frontières tracées par les Européens sont problématiques. Cela engendre régulièrement des conflits entre plusieurs États pour les retracer, comme le conflit du Biafra au Nigeria entre 1967 et 1970. Pour éviter ces saignées, différentes organisations internationales se sont constituées.

    1. La constitution d’un « Tiers monde »

    2.     La Conférence de Bandoeng du 18 au 24 avril 1955 réunit 29 États représentant plus de la moitié de la population mondiale, mais seulement 8 % de ses richesses. Elle condamne toute forme de colonialisme qu’elle soit directe ou indirecte.

          La Conférence de Belgrade du 1er au 6 septembre 1961 poursuit les investigations de Bandoeng. Elle a été organisée par Tito qui a proposé de regrouper les États du Tiers-monde dans le courant des « non-alignés », c’est-à-dire ne prenant part ni bloc libéral, ni bloc communiste. Il propose une remise en cause de l’ordre économique international.

          La Conférence d’Alger en septembre 1973 établit une lutte contre la nécessité d’une décolonisation économique et met au point une stratégie commune : l’action concertée et l’aide mutuelle entre pays producteurs de matières premières.

          Cela étant, les États restent plus ou moins sous l’influence du camp américain ou du camp soviétique. Les États-Unis et l’U.R.S.S. cherchent à effectuer des percées en Afrique subsaharienne.

    3. Les organisations régionales

    4.     En décembre 1960, se constitue le « groupe de Brazzaville ». Il est composé de 12 États francophones. En 1961, il forme une nouvelle organisation régionale appelée l’Union africaine et malgache (U.A.M.). Elle disparaît en 1973, en conséquence du conflit du Biafra.

          Le « groupe de Monrovia » a été constitué autour de 12 autres pays au début des années 1960.

          Le « groupe de Casablanca » se constitue en janvier 1961.

          La Conférence d’Addis Abeba de mai 1963, autour de 33 États, jette les bases d’un regroupement africain unique : l’Organisation de l’Union africaine (O.U.A.).

    5. L’O.N.U. et les États subsahariens

    6.     Les États subsahariens avec les autres États non-alignés ont la majorité des voix à l’assemblée générale de l’O.N.U., mais le droit de veto des cinq États du Conseil de sécurité les empêche fréquemment de s’exprimer.

          À côté des organismes internes de l’O.N.U., il existe des organisations rattachées comme le Fonds monétaire international (F.M.I.) et la Banque mondiale. Elles permettent de financer l’économie mondiale, mais la représentation au sein de ses deux organismes est proportionnelle à la richesse des États membres. Dit autrement, les États d’Afrique subsaharienne ne touchent quasiment rien en termes de financement.

  8. Le néo-colonialisme permanent

  9.     La situation internationale ne permettant pas aux anciennes colonies de s’affirmer sur l’échiquier mondial, pour s’en sortir, elles sont obligées de conserver des liens plus ou moins forts avec leur ancienne métropole sous la forme d’une coopération internationale.

        Les bases militaires françaises de l’Afrique subsaharienne sont maintenues. Elles assurent la sécurité des Occidentaux en cas de troubles, mais surtout contribuent à maintenir un lien de dépendance important entre la France et ses anciennes colonies. En échange de ce maintien, dans le cadre d’une coopération, les cadres des armées des États subsahariens francophones effectuent des formations en France.

        Les anciennes métropoles vendent souvent des armes aux rebelles africains dans leurs anciennes colonies.

        L’exploitation des ressources minières est souvent effectuée par des compagnies étrangères qui s’assurent de dégager une rente maximale tout en corrompant les élites locales.

        Le développement par l’agriculture a été également le choix de certains États, mais cette dernière dépend considérablement du marché mondial qui est toujours fluctuant.





[1] : C’est le processus d’exode rural.