Dernière mise à jour : le 18 juin 2015

Comprendre les territoires de proximité
Cours écrits et réalisés par Maxime Forriez (2015)

  1. Déconcentration et décentralisation : le cadre juridique

  2.     La France est un État accueillant plusieurs types de découpage territorial : (1) un découpage centralisé et (2) un découpage décentralisé, sur lequel vient se greffer (3) des découpages complémentaires essentiellement autour d’établissements publics territoriaux.

    1. La France est un État centralisé

    2.     Cela signifie que la France a pour unique centre de décision sa capitale, Paris. Tout État centralisé s’administre soit de manière concentré, soit de manière déconcentré.

          La concentration suppose que toutes les décisions se prennent réellement à Paris. Au vu de la superficie de la France, c’est impossible. Seuls les États de petites superficies peuvent être organisés de cette manière.

          Ainsi, la France a choisi d’opérer un découpage en circonscriptions administratives dans le cadre d’une déconcentration administrative. La circonscription historique est la commune à laquelle vient s’ajouter le département. Chaque territoire dispose d’un représentant de l’État devant obéir strictement aux directives du gouvernement en place. C’est pour cela qu’il est nommé par le gouvernement. Chaque ministère dispose de son propre découpage. Cela étant, celui du ministère de l’Intérieur est largement utilisé par les autres ministères, à l’exception du ministère de l’Éducation nationale et de la Défense. Le découpage des circonscriptions administratives dispose de six échelons.

      Circonscription administrative Représentant de l’État
      France Président de la République
      Premier ministre
      Région Préfet
      Département Préfet
      Arrondissement Sous-préfet
      Canton Gendarmerie
      Commune Maire[1]
      Arrondissement communal pour Paris, Lyon et Marseille Maire d’arrondissement
      Tableau de synthèse des circonscriptions administratives

      [1] : Remarque importante. Le maire est le seul représentant de l’État qui n’est pas nommé par le gouvernement. Il est indirectement élu par le Conseil municipal, lui-même élu directement par les élections municipales.

    3. La France est un État décentralisé

    4.     Pourquoi faire simple lorsque l’on peut faire compliquer ? À côté des découpages de l’État existe des entités territoriales, les collectivités territoriales, disposant non seulement d’une autonomie administrative, mais également d’une autonomie politique. Ainsi, les citoyens élisent localement les conseils qui le représentent dans le cadre d’un système administratif décentralisé.

          À côté de l’intérêt national, il est affirmé qu’il existe un intérêt local. Cela étant, les collectivités territoriales ne peuvent pas faire ce qu’elles désirent. La loi définit les compétences, c’est-à-dire leur champ d’actions, qu’elles peuvent mettre en œuvre.

          Le monde des collectivités territoriales est diverses et variées. Le choix d’un découpage particulier n’a pas été envisagé. La France a choisi le même découpage que les circonscriptions administratives de l’État, ce qui rend très complexe leur lisibilité au quotidien.

          Il existe trois collectivités territoriales génériques : (1) les régions, (2) les départements, (3) les communes. Chaque territoire dispose d’un conseil élu par la population administrée. Néanmoins, certains territoires possèdent un statut juridique spécifique. Cela étant, chaque conseil élit en son sein un représentant de l’exécutif local.

      Territoire Conseil Exécutif local Nombre
      Région Conseil régional Président du Conseil régional 21 + 4 (+1)
      Département Conseil départemental Président du Conseil départemental 96 + 5
      Commune Conseil municipal Maire environ 36 000
      Tableau de synthèse des collectivités territoriales

          Remarque 1. Mayotte ne dispose pas encore d’un véritable conseil régional. Il est en devenir. Il sera constitué lors des prochaines élections régionales.

          Remarque 2. Départements et régions d’outre-mer (Guyane, Martinique, Guadeloupe, Réunion) disposent du même territoire, mais ils n’administrent les mêmes compétences.

          Remarque 3. La Corse n’est pas une région, mais une collectivité territoriale à statut particulier.

          Remarque 4. Les collectivités d’outre-mer (C.O.M.) disposent de statuts particuliers.

      • Saint-Pierre-et-Miquelon

      • Saint-Barthélemy

      • Saint-Martin

      • Polynésie française

      • Wallis-et-Futuna

      • Terres australes et antarctiques françaises (T.A.A.F.) et Îles éparses

          Remarque 5. Il existe une collectivité territoriale à statut particulier : la Nouvelle-Calédonie.

          Remarque 6. Depuis 2007, le territoire de l’île de Clipperton est directement administré par le gouvernement français.


          Le problème le plus important dans le cadre de la décentralisation française est la taille des communes. La France possède la plus petite entité territoriale du monde ! 35 000 communes disposent de moins de 2 000 habitants. Certains États, comme la Belgique, ont opéré des regroupements forcés. La France a choisi le mode de la coopération autour des établissements publics territoriaux et des syndicats de collectivités territoriales.

      Découpage territorial Représentant de l’État Exécutif local
      Région Préfet de région Président du Conseil régional
      Département Préfet de département Président du Conseil départemental
      Commune Maire
      Synthèse entre administration centralisée et administration décentralisée
    5. Les structures de regroupement

    6.     Les communes sont les principales entités à regrouper. Néanmoins, il existe des formules permettant la coopération entre collectivités territoriales de différents niveaux.

          Le regroupement communal s’organise en deux structures : les établissements publics territoriaux et les syndicats intercommunaux.

          Traditionnellement, les communes se regroupaient dans des syndicats intercommunaux soit à vocation unique (S.I.V.U.), soit à vocation multiple (S.I.Vo.M.).

          Après des mesures de simplifications, en 1999 par la loi Chevènement, il existe aujourd’hui cinq formules d’établissements publics (territoriaux) de coopération intercommunale (E.P.C.I.), chacune d’entre elles est administrée par un Conseil communautaire[2] qui exerce les compétences déléguées par les communes membres. La liste est : (1) les métropoles ; (2) les communautés urbaines ; (3) les communautés d’agglomération ; (4) les communautés d’agglomération nouvelle ; (5) les communautés de communes.

          Remarque 1. Les métropoles sont des établissements publics territoriaux voués à devenir à termes des collectivités territoriales à part entière.

          Remarque 2. La carte de l’intercommunalité s’est achevée en début d’année 2015. Désormais, toutes les communes de France font partie au minimum d’une structure intercommunale.

          Certaines compétences sont croisées entre les différentes collectivités territoriales. Une nouvelle forme de regroupement a eu également un grand succès : le syndicat mixte. Il permet entre autres choses de regrouper autour d’un problème commun de gestion : les régions, les départements et les communes par exemple.

      [2] : Attention ! Rien à voir avec les instances européennes.

  3. À la recherche de la cohésion territoriale

  4.     La cohésion territoriale correspond à la recherche d’un équilibre entre les spécificités du territoire local (décentralisé) et l’intérêt national (centralisé). L’objectif est de garantir une sorte d’égalité entre les territoires.

        La seconde partie a rappelé la complexité des découpages français. Dans un souci de « simplification » et de gestion plus efficace, de nouveaux « territoires » sont apparus afin de répondre aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux qui se posent dans le cadre du développement durable.

    1. Les eurorégions

    2.     Les eurorégions ont été créées par les traités régissant l’Union européenne. On en compte environ 80 dans toute l’Europe. Deux grandes zones sont concernées en France au niveau de la frontière franco-belge et au niveau de la frontière franco-allemande. Ce sont des zones régies par un principe de coopération transfrontière. Par exemple, le Nord-Pas de Calais forme une eurorégion avec la Wallonie et le Kent.

    3. Les « pays »

    4.     À la différence des eurorégions, les « pays » n’ont aucune existence juridique dans le sens où aucune définition précise n’a été formulée. Il s’agit d’une initiative locale, non reconnue à l’échelle nationale. Cela étant, il a été reconnu par la loi Pasqua en 1995 et la loi Voynet en 1999. Il est précisé que le pays n’est pas un territoire, au sens de la loi, mais un projet de territoire, organisé autour d’une charte.

          Le pays se fonde sur une cohésion géographique, historique et culturelle commune aux habitants de ce projet de territoire. Il s’agit d’un territoire forgeant une identité locale, un label territorial. Aujourd’hui, on compte environ 400 pays sur le territoire français, représentant près de 80 % du territoire. Il est important de noter que leur taille est variable. L’Île-de-France et la Corse forment chacun un seul pays, tandis que la Bretagne en compte 21.

          Le pays est par conséquent une formule juridique très souple, un peu trop souple peut-être. Ainsi, en général, ils ont pour support un Schéma de cohérence territorial (S.Co.T.) qui permet de poser un cadre plus contraignant, mais aussi plus efficace dans la gestion du ou des pays.

  5. Les besoins locaux

  6.     Tout territoire a besoin d’infrastructures, favorisant ainsi son attractivité économique. Cela n’est pas sans poser de nombreux problèmes de gestion administrative, politique et financière.

    1. Les infrastructures : la mise en réseau

    2.     Dans les années 1960, la France ne disposait pas d’un réseau efficace entre ses grandes villes. Il a par conséquent été décidé de mener une politique d’aménagement du territoire autour de la D.A.T.A.R. (créée 1963). L’acronyme a souvent été changé. Depuis 2009, il signifie « Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire à l’attractivité régionale ».

          Le territoire français a été organisé autour de pôles, c’est-à-dire de points centraux à l’échelle nationale, régionale, départementale et intercommunale. En général, les pôles sont des villes, connectées entre elles par des routes, par des voies ferrées, par des canaux, ou par des liaisons aériennes.

          Progressivement, la France s’est dotée d’une impression réseau routier composée de voies expresses et d’autoroutes à l’échelle du territoire nationale. Les départements ont favorisées la connexion routière entre les villes par des voies rapides.

          La région, par contre, s’est occupée de la connexion ferrée entre les villes de son territoire.

          L’objectif est de favoriser les échanges économiques au sein du territoire administré, mais également avec les autres territoires nationaux ou internationaux (cf. eurorégions).

    3. La gestion des besoins locaux

    4.     Les besoins locaux sont, en théorie, ceux de la population administrée. L’objectif de la décentralisation, opérée depuis les lois Defferre de 1982, est de rendre meilleur leur quotidien autour de projet de développement local.

          Les statuts juridiques cherchent à répondre à ce besoin, comme ceux de l’intercommunalité. Les communautés urbaines, bientôt remplacées par les métropoles, concernent les très grandes villes. Les communautés d’agglomération concernent les moyennes villes. Les communautés de communes concernent les petites villes et les villages. Les compétences données sont ainsi fonction du type de territoire et de sa taille.

          La décentralisation depuis 2005 a permis le développement d’environ 70 pôles de compétitivité dont l’objectif est de définir des projets innovants locaux, mais obéissant à une stratégie nationale. Il s’agit évidemment de développer l’emploi en fonction des ressources locales. Par exemple, le Nord-Pas de Calais a choisi la chimie.

          Les pôles de compétitivité soutiennent la recherche et le développement locaux. Elle peut prendre la forme d’un soutien public aux entreprises privées par exemple.

          Problème. La création des pôles de compétitivité accroît l’inégalité territoriale entre les collectivités territoriales, et particulièrement les régions.

    5. Le problème du financement des politiques publiques locales

    6.     Le financement du fonctionnement et de l’investissement des collectivités locales est au cœur d’un problème plus vaste : celui de leur autonomie. Actuellement, les ressources sont insuffisantes par rapport à leurs dépenses.

          La principale source de financement est la fiscalité locale, c’est-à-dire les impôts locaux. Il en existe d’autres plus secondaires : les recettes du domaine et les dotation globale de fonctionnement (D.G.F.) de l’État.

          La particularité du budget des collectivités territoriales par rapport à celui de l’État est qu’il doit être votée à l’équilibre, c’est-à-dire que la différence entre les recettes et les dépenses doit être nulle.

          En théorie, lorsque l’État attribue de nouvelles compétences aux collectivités, une enveloppe de compensation financière leur est également allouée. Néanmoins, lorsqu’elle existe, elle ne correspond pas à une compensation totale. Ainsi, les collectivités territoriales doivent impérativement faire des choix dans leur politique publique locale, afin de maintenir leur budget équilibré. Cela engendre des fermetures de service public de proximité, comme les hôpitaux, les crèches, etc.

          À côté des politiques publiques locales, l’État conserve toutes les grands politiques publiques nationales entrant dans le cadre de projets stratégiques. Il s’agit par exemple du projet du Grand Paris, visant à faire de la capitale une vraie « ville mondiale ».