Dernière mise à jour : le 1er mai 2013

    L’échelle, en géographie, est plus qu’un concept : c’est une catégorie générale au même titre que le mouvement. Tout au long de cette thèse, il fut montré qu’une variable d’échelle était relative à un état de référence. Ceci revient à dire que, si cet état est mal défini, l’ensemble des mesures opérées sur un objet géographique n’aura pas de sens. Dans chaque cas étudié dans cette thèse, cet état fut décrit de manière aussi précise que possible. Cependant, chacune des mesures opérées dépend bien de cet état : si on le modifie, les mesures peuvent changer, mais il est impossible de s’en extraire. On ne peut alors comparer deux séries de mesures qu’avec la connaissance de leurs états. Les fractales sont donc fondamentales en géographie, car elles montrent qu’une mesure aussi précise soit-elle n’est jamais absolue ; elle dépend de l’échelle de résolution et de l’échelle de référence. La fractalité enseigne même que plus une mesure est précise, plus elle risque de n’avoir aucun sens, si on ne prend pas en compte cette structure multi-échelle.

    Ceci dit, deux solutions pratiques ont toujours permis aux géographes de contourner empiriquement le problème de la fractalité :

  1. travailler à la même échelle de mesure pour tous les objets d’étude cartographiés ;

  2. préciser les échelles auxquelles le calcul a été effectué, en ayant compris que sans cette indication, la mesure n’avait aucun sens.

    Cette thèse a montré qu’il était possible de définir et de quantifier un objet multi-échelle pour lui-même, et ainsi montrer qu’il est possible d’intégrer toutes les échelles possibles d’une structure géographique donnée.

    L’échelle n’est donc pas un accessoire. Qu’elle soit qualitative (ordre de grandeur), ou qu’elle soit quantitative (échelles numériques), elle renvoie aux idées de taille et d’information. En effet, il convient toujours de trouver un compromis entre la taille réelle de l’objet et les informations qu’il contient. D’un point de vue plus technique, les structures multi-échelles sont omniprésentes en géographie, mais il est difficile de les quantifier. La raison est double, soit il y a trop d’informations, ce qui rend les calculs impossibles, soit il n’y a pas assez d’informations sur tous les niveaux, car il existe un niveau privilégié (état de référence), niveau où l’on analyse habituellement tel ou tel objet, empêchant la mise en évidence de la structure multi-échelle.

    Quoi qu’il en soit, un objet géographique possède deux échelles limites : sa résolution et son étendue. Si, en géographie, il est possible de définir une étendue maximale (la surface de la terre), il est plus difficile de caractériser une résolution minimale. Est-ce le kilomètre ? Est-ce le mètre ? Est-ce le millimètre ? Le choix de cette dernière dépend apparemment de l’objet étudié, et au fond du projet que se donne la géographie. Ce dernier, dans ses caractéristiques, doit comporter une définition d’une gamme scalaire. Personne en géographie ne soutiendra que le micromètre est géographique, personne non plus ne prétendra que le parsec est géographique. L’échelle de référence en géographie semble être celle autour de laquelle tout se combine, celle de l’Homme. Reste à connaître l’étendue de la gamme vers les grandes et vers les petites échelles, en géographie humaine, ce pourrait être 100 et 107 m ; en géographie physique, 10-4et 108 m sur ces bases des résolutions plus opérationnelles vis-à-vis du projet peuvent être définies. Par exemple, pour les structures urbaines, le mètre semble être le plus approprié. Par contre, pour le réseau de ces structures urbaines, le kilomètre semble être un bon compromis, car si l’on conservait le mètre, la structure en échelle serait probablement incalculable. De plus, même si elle l’était, il n’est pas certain que cela apporte beaucoup d’informations sur l’état d’échelle de la structure spatiale.

    C’est tout le problème du M.A.U.P. (Modifiable area unit problem) qui constate qu’une surface pour un objet géographique donné change en fonction de la résolution. Toutefois, ce n’est un problème que si l’on cherche une surface absolue. En effet, ce constat n’est que la définition d’une fractale, ce qui revient à prétendre que la solution recherchée par le M.A.U.P. ne peut aboutir qu’à une impasse. Cependant, les fractales réelles possèdent, en général, une ou des transitions fractal - non fractal. Dans ce cadre, si on effectue une mesure dans le domaine non fractal, aucune variation de mesure de la surface ne sera significative, alors que dans le domaine fractal, les variations de surfaces seront telles que trouver une surface constante devient impossible. Le M.A.U.P. n’est donc pas un problème si l’on se place dans un cadre fractal. De plus, les graphes bi logarithmiques permettent de définir une échelle de coupure correspondant à une résolution « optimale » qui définit la dernière agrégation sans perte d’informations.

    L’espace de contrôle de l’espace géographique recherché en introduction est donc l’espace des échelles. En effet, s’il existe une infinité de configurations spatiales qui se déploient dans l’espace terrestre, il n’existe que quelques configurations scalaires, ce qui rend objectivables toutes les études morphologiques en géographie. Les trois objectifs fixés en introduction ont donc été atteints. Toutefois, il convient de distinguer les objectifs 1 et 2 de l’objectif 3.

    L’objectif 1 qui souhaitait montrer le lien entre l’étude des formes géographiques et la relativité d’échelle, et l’objectif 2 qui voulait définir un cadre multi-scalaire théorique général capable d’expliciter les structures scalaires existant en géographie, ont largement été éprouvés. Par exemple, les expressions « système d’échelle », « généralisation cartographique », etc., renvoient toutes à l’idée de fractalité des objets géographiques, mais surtout à celle de relativité d’échelle puisqu’il n’existe aucune échelle absolue les caractérisant, au mieux il n’y a que des niveaux privilégiés. De ce point de vue, la théorie de la relativité d’échelle a permis d’expliciter, c’est-à-dire de se poser en cadre de compréhension, d’un certain nombre de phénomènes observés ou observables en géographie.

    Si les objectifs 1 et 2 ont été atteints, l’objectif 3 qui consistait en l’articulation du temps et de l’espace, et de leurs échelles respectives dans une démarche géographique, a été partiellement atteint. Il faudrait arriver à construire systématiquement un espace à cinq dimensions complet (dimension temporelle, trois dimensions spatiales et dimension d’échelle). Au minimum, si l’espace est isotrope, il y a six variables : le temps, la résolution temporelle, l’espace en trois dimensions avec une résolution spatiale identique pour la longueur, la largeur et la hauteur (Nottale, 2010). Toutefois, dans le cas d’une anisotropie, au minimum, il existe huit variables : le temps, la résolution temporelle, la largeur, la résolution de la largeur, la longueur, la résolution de la longueur, la hauteur et la résolution de la hauteur (Nottale, 2010). S’il existe de nombreux développements dans la théorie de la relativité d’échelle permettant cela, leur complexité est un frein à leur éventuel développement en géographie (Nottale, 2010). En revanche, il est fondamental de poser le problème, car la construction d’une théorie générale de la géographie ne peut se réaliser qu’à travers une médiation entre les variables du mouvement et celles d’échelles. Toutefois, la troisième partie de cette thèse qui étudiait l’évolution de la répartition des châteaux dans le temps et dans la construction territoriale, a montré que s’il était rarement possible de construire un espace à cinq dimensions en géographie, il demeure possible d’en réaliser des coupes qui complètent l’approche historique et l’approche spatiale. De ces faits, cet objectif reste largement prospectif tant dans le champ phénoménal que dans le champ théorique.

    Pour conclure, toutes ces considérations ne signifient pas que les variables relatives à la catégorie du mouvement doivent être négligées dans une analyse géographique, bien au contraire. Toutefois, il semble qu’il soit préférable de commencer toute analyse géographique par une analyse en échelle, puis par une analyse spatiale ou temporelle, et enfin, par une combinaison entre échelles et mouvement, mais est-ce suffisant pour caractériser un objet géographique ? Il semble que la réponse soit négative.

    Pour y remédier, trois grands projets peuvent être proposés pour ouvrir cette thèse vers de nouvelles perspectives de recherches.

18.1. Projet 1. De la nécessité de rapprocher l'information et l'échelle

    L’échelle est une catégorie qui se distingue, entre autres, du mouvement (Forriez et alii, 2009). Cependant, une autre notion a été largement évoquée sans être clairement définie : l’information. Jean-Paul Delahaye (1999, p. 14) précisait que l’information n’a jamais été définie de manière absolue. Par contre, il existe au moins trois grandes théories qui font appel à cette notion : la théorie des jeux de John von Neumann (en 1944) (Guerrien, 1995 ; Giraud, 2009), la théorie de l’information de Claude Shannon (en 1948) et la théorie algorithmique de l’information d’Andreï Nikolaïevitch Kolmogorov (dans les années 1960), mais aucune ne définit clairement le terme. Il est vrai toutefois qu’il existe des variables mesurant le contenu brut d’information ou la valeur de l’information. Jean-Paul Delahaye a défini la première comme étant « le nombre minimal de questions oui/non à poser pour trouver la valeur donnée » ; la seconde est fixée par l’objectif porté par cette information. En géographie, ces deux notions sont rarement quantifiables. Il faut donc généralement se contenter d’une description littéraire.

    Pour insister sur l’aspect fondamental de cette notion, on peut rappeler que lorsque l’on définit littérairement une fractale, l’obligation d’utiliser le terme « information » est presque naturelle. Un objet fractal se caractérise par le fait que, lorsque l’on lui applique un facteur d’échelle, le contenu de son information change. Cette définition pourrait faire croire qu’information est synonyme de résolution, mais celle-ci possède une définition beaucoup trop restreinte par rapport à celle que l’on souhaiterait donner au mot « information ». Autrement dit, pour avoir une information, il faut une résolution (Delahaye, 1999, p. 23), mais une information peut exister sans résolution. La meilleure approche du concept serait de prétendre que l’information, comme l’échelle, est une catégorie dans laquelle différentes variables existent ou coexistent. Ainsi, à l’instar de la résolution, de la dimension fractale et de l’accélération d’échelle sont des variables entrant dans la catégorie « échelle », l’entropie de Claude Shannon ou la valeur de l’information (mesurée par l’inverse de la probabilité) sont des variables caractérisant la catégorie « information ».

    La Commission européenne qualifia notre société, il y a une dizaine d’années, de « société de l’information ». Bernard Stiegler et l’association Ars Industrialis (2006) montrent à quel point cette expression est dangereuse, car ces auteurs pensent qu’ils existent une confusion non innocente entre information, savoir et connaissance. En effet, ces trois termes ne sont absolument pas synonymes. L’objectif de cette thèse a été d’essayer de comprendre l’organisation des objets géographiques, ou, en d’autres termes, et même si l’expression est maladroite, de produire de la connaissance géographique. Cependant, il est évident que, pour y parvenir, cela nécessite des informations et des savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, savoir-être, etc.).

18.1.1. L'information

    En règle générale, l’information fait référence aux données brutes ou aux données prétraitées. L’information géographique est diverse et variée ; cette thèse l’a montrée, mais, quelque part, les données utilisées sont-elles dignes de confiance ? La classification des qualificatifs du mot « information » par la théorie des jeux fournit des éléments de réponse.

18.1.1.1. Le contenu brut de l'information

    La théorie des jeux opère le classement suivant :

  1. les jeux à information complète et parfaite ;

  2. les jeux à information complète, mais imparfaite ;

  3. les jeux à information incomplète

    Avant de poursuivre, une précision s’impose : le terme « jeu » ne sera pas débattu ; seule l’information sera analysée. Lorsqu’il y a information complète, chaque joueur connaît toutes les données du problème pour lui et pour les autres (Guerrien, 1995). Dans le cas où il n’y a aucun coup simultané, le déroulement du jeu se fait de manière strictement séquentielle ; dans ce cas, l’information est parfaite. Dans le cas contraire, l’information est dite imparfaite, puisque les coups simultanés introduisent un certain flou. Toutefois, le nombre de combinaisons possibles est limité. Enfin, l’information est dite incomplète lorsqu’il existe trop d’incertitudes, ou des lacunes au niveau du contenu de l’information.

    Si l'on analyse le contenu de l’information des données utilisées pour opérer les différentes mesures multi-échelles dans cette thèse, on s’aperçoit que seules deux bases de données possèdent une information parfaite et complète ; trois bases ont une information parfaite, mais incomplète ; deux bases, une information imparfaite et complète ; une base, une information imparfaite et incomplète (Figure 188). Ainsi, du point de vue du contenu brut d’information, les données utilisées ne présentent aucun problème.

Complète Incomplète
Parfaite • Réseau hydrographique des
Gardons - RESEAU 2
• Structures bâties de
l'agglomération de
Monbéliard
• Réseau hydrographique des Gardons - RESEAU 1
• Base Catiau
• Base Tageo
Imparfaite • Catalogue des images Landsat utilisé pour mesurer les taches urbaines
• Images Mappy de la « ville d'Avignon »
• Base Catiau - Aspect temporel
Figure 188. Tableau résumant les données utilisées dans cette thèse en termes d’information

18.1.1.2. La valeur de l'information

    Néanmoins, si l’on s’interroge sur les sources des informations utilisées, le problème de l’information se pose différemment. En effet, on se place dans la position d’une critique historique qui correspond à un ensemble de procédés techniques permettant de peser la valeur des sources. Il existe deux types de critiques : la critique externe, renvoyant à des informations extérieures à la source utilisée, et la critique interne, renvoyant aux informations fournies par la source utilisée (Popper, 1998).

    La critique externe commence d’abord par dresser la critique d’identité de la source en répondant aux trois questions suivantes : « Qui ou quoi ? Quand ? Où ? ». Toutes les données utilisées ont des réponses à ces questions, même dans le cas de la base Tageo. Ensuite, la critique de véracité intervient. Toutefois, il faut bien la distinguer de celle d’authenticité. La première répond à la question suivante : « Les données sont-elles vraies ou fausses ? ». Quant à l’authenticité, elle est garantie, en principe, par une autorité. Ainsi, des données fausses peuvent être authentiques sans aucune difficulté. C’est à travers ces deux problèmes qu’un certain nombre de données peuvent être problématiques à l’instar de la base Tageo (cf. chapitre 16). Enfin, la critique de restitution pose la question suivante : « Travaille-t-on sur la donnée originale ou sur une copie ? » En règle générale, le chercheur est amené à formuler une telle question lorsqu’il y a eu des erreurs de traduction évidente d’un texte anglais en un texte français, par exemple, ou encore, lorsqu’il y a une erreur de saisie flagrante. Quoi qu’il en soit, aucun chercheur, mis à part l’historien, ne travaille avec des originaux, ce sont généralement des copies de copies. Cela se transcrit par le niveau de la copie à travers ce que l’on appelle un strema codium qui correspond à un arbre remontant à la source originale. L’information, même complète et parfaite, est donc difficilement maîtrisable. Aussi, il faut généralement faire avec ce que l’on a (Figure 189). Par ailleurs, la critique interne des sources apporte d’autres problèmes.

Critique d'identité Critique de véracité Critique de restitution
Gardons - RESEAU 1 Extrait de la base
CARTHAGE
(réalisée par le
Ministère de
l'écologie et du
Développement
Durable (MEDD)
et par l'IGN)
618 branches du
réseau (2006)
La restitution se situe au moins au 3e niveau. Ce sont des images vectorielles gérées à partir d'un fond de carte au 1 / 50 000e (2e niveau). Le 1er niveau correspond à l'esquisse de la carte dessinée par un ingénieur IGN.
Gardons - RESEAU 2 1 694 branches
du réseau (2006)
Images Landsat
des taches urbaines
Base organisée par
Christopher Small

Base organisée par
Ann Bryant

Données capturées
par la NASA
101 images
utilisables sur
131 images
La restitution se situe au moins au 2e niveau puisque que ce sont des images modifiées à partir des captures opérées par un satellite Landsat (5 ou 7).
Images Mappy de la
« ville d’Avignon »
Entreprise privée 6 images
capturées en
mars 2008
?
Répartition des
structures bâties de
l’agglomération de
Montbéliard
Communauté
d’agglomération
de Montbéliard
? La position des bâtiments est certainement issue d'une numération du cadastre des différentes communes composant l'agglomération (3e niveau).
Base Catiau – Aspect
spatial
Carte Blay
Quid
Carte datant
de 2004
?
Base Catiau – Aspect
temporel
Charles-Laurent Salch
Jean-Pierre Babelon
Yvan Christ
MCFAPH
Quid
La documentation utilisée est relativement ancienne. Seul le Quid est régulièrement remis à jour, mais il ne cite pas ses références. >La restitution se situe au moins au 3e niveau pour les dictionnaires ou 4e niveau pour le Quid, le 1er niveau correspondant aux sources historiques ou archéologiques et le 2e aux différentes publications portant sur ce 1er niveau.
Base Tageo Nicolas Bourbaki ? La restitution se situe au moins au 3e niveau, puisque les différents organismes ont récoltées les données (1er niveau), puis les ont saisies (2e niveau).
Figure 189. Critique externe des données utilisées dans la thèse

    La critique interne commence d’abord par une critique d’interprétation : « Quel est le sens de ces sources ? Pourquoi et comment les a-t-on créées ? ». Aujourd’hui, répondre à ces questions est relativement facile mais fastidieux. Ensuite, vient la critique d’exactitude, la source se trompe-t-elle ? Seule une comparaison avec d’autres données peut fournir une réponse à cette question. Enfin, l’analyse critique s’achève par une critique de sincérité, la source nous trompe-t-elle ? Il est souvent extrêmement difficile de répondre à ces deux dernières questions. Pour trancher, il faut s’interroger sur la raison d’une quelconque erreur volontaire. Pourquoi nous fournirait-on des données fausses ? Si l’on reprend l’exemple de la base Tageo, il existe des erreurs d’inattention que l’on peut expliquer par le non renouvellement des données rang - taille au cours des années, ou par des erreurs de saisie, mais les erreurs intentionnelles semblent inexistantes. Ainsi, ces informations sont malgré tout utilisables (Figure 190).

Critique d'interprétation Critique d'exactitude Critique de sincérité
Gardons - RESEAU 1 Obtenir une
meilleure
approche de
l'aménagement du
territoire
Quelques erreurs
dans la saisie des
nœuds entre les
différentes
branches.
A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Gardons - RESEAU 2
Images Landsat
des taches urbaines
Objectif inconnu ? A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Images Mappy de la
« ville d’Avignon »
Constituer un
itinéraire de
voyage
Aucune erreur
visible
A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Répartition des
structures bâties de
l’agglomération de
Montbéliard
Objectif fiscal Aucune erreur
visible
A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Base Catiau – Aspect
spatial
Dresser une carte
routière et
touristique
Aucune erreur
visible
A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Base Catiau – Aspect
temporel
Données réalisées
dans un but de
synthèse
Aucune erreur
visible, mise à part
celles découvertes
par la confrontation
de la documentation
A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Base Tageo Données
synthétisées dans
un but inconnu
Base incomplète
dans la localisation
des lieux qu’elle
cite
A priori, les données n'ont aucune raison d'être malhonnêtes.
Figure 190. Critique interne des données utilisées dans la thèse

    Si ces critiques des sources de données sont indispensables, il est bon de rappeler que « l’information ne se transformera pas en connaissances ou en savoir-faire, mais en accumulation de données intraitables » (Stiegler et Ars Industrialis, 2006). D’ailleurs, le chemin est long et parsemé d’embûches pour arriver à la connaissance géographique. Cependant, une étape intermédiaire est nécessaire : transformer l’information en savoirs (savoir-faire, savoir-vivre, etc.).

18.1.2. Les savoirs

    Les savoirs sont une synthèse organisée des informations. Ils correspondent à des informations vérifiées, c’est-à-dire maîtrisées. Finalement, ce sont des clés ouvrant la porte de l’instrumentalisation des informations. Ainsi, on parle de savoir-faire, de savoir-vivre, de savoir-être, etc. De plus, les savoirs sont de deux natures : les « savoirs empiriques » que l’on ne peut acquérir que par l’expérience, la pratique, dans tel ou tel domaine, et les « savoirs théoriques » que l’on acquiert au fur et à mesure au contact des autres qui narrent leurs propres expériences. Pour finir, dans le cadre des savoirs, il est possible de formuler des prédictions qui fonctionnent bien et qui soient correctement quantifiées (Thom, 1993). Autrement dit, les savoirs peuvent satisfaire des objectifs, ce qui n’est pas le cas de la connaissance.

18.1.3. La connaissance

    La théorie de la connaissance (ou gnoséologie) est une branche de la philosophie extrêmement importante. La connaissance correspond à la maîtrise des savoirs par un individu. Platon donne une définition complémentaire : la connaissance est l’intersection entre les vérités (scientifiques) et les croyances (populaires). De ce fait, la connaissance propose une explication, c’est-à-dire un cadre de compréhension qui ne peut ni être quantifié, ni être prédictif (Thom, 1993). La combinaison de la gnoséologie avec la philosophie des sciences définit l’épistémologie.

    S’il ne fait aucun doute que la géographie possède des savoirs, ceux-ci manquent cruellement d’organisation. C’est à ce niveau qu’intervient la relativité d’échelle qui permet de construire une théorie scalaire et spatiale générale en géographie. Qu’est-ce qu’une connaissance géographique alors ? La meilleure réponse à cette question a sans doute été formulée par Eric Dardel. « La géographie est, selon l’étymologie, la « description » de la Terre ; plus rigoureusement, le terme grec suggère que la Terre est une écriture à déchiffrer, que le dessin du rivage, les découpures de la montagne, les sinuosités des fleuves forment les signes de cette écriture. La connaissance géographique a pour objet de mettre en clair ces signes, ce que la Terre révèle à l’homme sur sa condition humaine et son destin » (Dardel, 1952, p. 2). Même si l’approche d’éric Dardel reste très phénoménologique, les signes de l’écriture de la Terre peuvent être formulés de manière mathématique (Galilée, 1979). De plus, ceux-ci correspondent aux différentes catégories générales identifiées : le mouvement, l’information, et l’échelle (Figure 191).

Catégorie Mouvement Information échelle
Variable définissant
le système de
coordonnées
Temps
Statique ou
dynamique
Contenu de
l'information
Dimension fractale
Espace
Stationnaire ou non
stationnaire
Valeur de
l'information
Logarithme de la
longueur sur une
fractale
Variable
caractérisant l'état du
système de
coordonnées
Vitesse Entropie Logarithme de la
résolution
Accélération Inverse de la
probabilité
Accélération
d'échelle
Objet géographique Transformation dans
le temps
Transformation dans
l'espace
Attribut Transformation
en échelles
Figure 191. Système de connaissance de l'objet géographique

    L’objectif de la connaissance est de proposer un cadre de compréhension qui ne quantifie rien et ne prédit rien (Thom, 1993). Une formule qui fonctionne correctement pour un phénomène donné et qui permet des prédictions, même si celles-ci sont correctes, si le cadre est inexistant, le modèle ne peut être qualifié de scientifique. En effet, « l’essence même de la réflexion, c’est de comprendre qu’on n’avait pas compris. Les pensées non baconiennes, non euclidiennes, non cartésiennes sont résumées dans ces dialectiques historiques qui présentent la rectification d’une erreur, l’extension d’un système, le complément d’une pensée » (Bachelard, 1934, p. 178). De ce fait, la relativité d’échelle offre un cadre de compréhension dans lequel la géographie peut s’inscrire ; elle permet la construction d’une véritable théorie géographique qui articule échelle et mouvement. Ainsi, tous les objets et les concepts géographiques peuvent être définis par une méthode d’objectivation intégrant une approche multi-échelle. Pour être complet, il faut ajouter l’intelligence qui peut correspondre à une mise en œuvre de manière stratégique de ses connaissances dans le but d’en créer de nouvelles.







    La théorie de l’information est au cœur de l’approche géographique. En règle générale, son exploitation a été plutôt qualitative, car c’est un héritage de sa discipline mère, l’histoire. Cependant, cette théorie demeure insuffisamment exploitée tant du point de vue qualitatif que quantitatif. Tout au long de cette partie, il fut défendu l’idée que l’information était une catégorie à part entière. Toutefois, une question reste largement ouverte : « L’information est-elle une catégorie relativiste ? ».

    Avant d’achever définitivement cette ouverture, il faut insister sur un projet qui peut paraître usité à l’heure de la mondialisation, mais qui mérite tout de même une attention particulière.

18.2. Projet 2. De la nécessité de redevenir français en géographie

    « Français, unissez-vous contre la pensée unique anglo-saxonne », tel est le cri que j’aimerais lancer à la fin de cette thèse. Afin d’éviter toute ambiguïté, il ne s’agit ni de faire du chauvinisme, ni de réorienter la pensée décriée vers une autre pensée unique, mais de faire partager une certaine inquiétude face au triomphe de la pensée anglo-saxonne dans le domaine des sciences.

    Depuis l’époque moderne, le monde de la science, au sens large du terme, oscille entre les héritages de la pensée baconienne (anglo-saxonne) et ceux de la pensée cartésienne (française). Aujourd’hui, si l’on interprète ce qu’écrivait Karl Popper (1998), la pensée anglo-saxonne est très largement devenue une pensée unique, dans le sens où l’empirisme a triomphé du rationalisme, où le matérialisme prédomine l’idéalisme, et où le raisonnement inductif tend à s’imposer sur le raisonnement déductif. De plus, les pressions économiques qu’induisent les sciences, conduisent celles-ci à se retrancher dans un utilitarisme social malsain, à tel point qu’un observateur ne comprend l’intérêt de telle ou telle étude que si elle est directement applicable.

    Ce qu’il y a d’étrange, c’est que la géographie française a commencé à rejeter son héritage cartésien à partir des années 1960. D’un rationalisme fondé sur de nombreuses disciplines connexes (la géologie, l’écologie, la météorologie, voire l’histoire), la géographie, en général, est passée à un empirisme total, excluant la possibilité même de construire des lois, alors que le projet initial de l’analyse spatiale était de trouver les lois de l’espace géographique. Bien avant la géographie marxiste d’après-guerre, le matérialisme était déjà au cœur de l’approche, car la géographie est avant tout une science descriptive où l’idéalisme n’a pas sa place. Toutefois, cette thèse a montré un certain nombre de récurrences dans des analyses géographiques fondées sur des abstractions comme l’espace des échelles, donc une forme d’idéalisme. Cela est donc possible pour la géographie de construire un raisonnement abstrait, source de toutes connaissances (Popper, 1998). En ce qui concerne la nature du raisonnement géographique, il reste de nature abductive (Martin, 2004) que l’on se place en géographie humaine ou en géographie physique. Il s’agit d’une logique qui, à partir des effets observés et observables, recherche à établir les causes qui les ont produits. Par exemple, pour expliquer la morphologie urbaine (l’effet), on va rechercher les causes à travers les différents acteurs, la topographie du site, etc. Il faudrait donc essayer de construire un raisonnement déductif en géographie qui ne peut s’épanouir que par des abstractions ; l’espace des échelles en est un archétype de ce point de vue. Toutefois, ces abstractions ne peuvent être totales : toute loi doit être vérifiable, c’est-à-dire réfutable, (pour éviter d’utiliser l’anglicisme « falsifiable ») à travers des cas empiriques, et c’est une nouvelle fois l’intérêt des lois d’échelle, mais la possibilité de vérifier celles-ci n’est possible que si l’on ne s’interdit pas de s’inscrire dans une démarche idéaliste. Le dernier point concerne l’utilité sociale de la géographie. Comme toute science, la géographie ne sert qu’à produire des connaissances que les ingénieurs exploiteront ou n’exploiteront pas, mais en aucun cas, la géographie, et en particulier l’analyse spatiale, ne doit sombrer dans l’ingénierie. Elle possède suffisamment d’atouts pour ne pas rentrer, par exemple, dans la spirale des systèmes d’information géographique qui ne font que limiter la géographie à une « science presse-bouton », à une science impensée et impensable, puisque le terme « information » est lourd de conséquences comme cela a été développé dans le projet 1. La géographie mérite mieux, mais il faut qu’elle prenne le risque du changement, comme en leur temps, Roger Brunet, François Durand-Dastès, et bien d’autres l’ont entrepris pour rebâtir une « Nouvelle géographie » à la fin des années 1960. Cependant, le problème se pose aujourd’hui différemment, car la relecture des travaux de Paul Vidal de la Blache montre qu’il fut précurseur d’un certain nombre de développements de cette « Nouvelle géographie ». L’heure est donc à la synthèse et la recomposition de la connaissance géographique, du moins dans l’école française qui doit refonder son unité (Chouquer, 2000).

    Cette unification ne peut être, dans le cadre de cette thèse, qu’un projet à partir duquel il faut débattre.

18.3. Projet 3. De l'unification de la connaissance en géographie

    La géographie française a conservé une trace durable de la géomorphologie. Celle-ci fut impériale sur l’ensemble des autres domaines pendant environ un siècle (années 1870 - années 1960). Elle se décompose en deux grands sous-ensembles : la géomorphologie structurale et la géomorphologie dynamique. La première étudie l’inertie spatiale des formes du relief ; la seconde, leur évolution, leur transformation. Cette disposition duale est restée dans toutes les autres branches de la géographie qui ont foisonné ces cinquante dernières années, qu’elles soient humaines ou physiques. En effet, si on ne regarde que la géographie humaine française qui s’est reconstituée dans les années 1960, l’analyse est fondée sur un espace dit support (la structure) et un espace dit relatif (qui est dynamique). Ce constat est effectif dans l’ensemble des branches de la géographie humaine. Si on reprend la répartition des Hommes sur la surface de la Terre, deux grandes disciplines existent : la géographie du peuplement qui étudie la structure (ou l’inertie spatiale) et la géographie de la population qui étudie la dynamique démographique dans des territoires bien définis. Systématiquement, la géographie sépare le statique du dynamique. On peut donc redéfinir la géographie, non plus par l’approche duale géographie physique - géographie humaine, mais par une séparation entre géographie structurale et géographie dynamique.

    En ce qui concerne la géographie structurale, ce projet a été initié par Gaétan Desmarais et Gilles Ritchot (2000), mais il n’existe pas de géographie dynamique clairement définie.

    La géographie structurale que ce projet propose, est plus beaucoup générale que ce à quoi renvoie l’expression dans le sens des auteurs cités précédemment. D’ailleurs, il vaudrait peut-être mieux l’appeler géographie structurelle (Martin, 2004) qui renvoie à l’étude générale des inerties spatiales observées en géographie.A contrario, la géographie dynamique serait la géographie du changement, de la transformation, de la métamorphose, de l’évolution, de la mutation, etc., soit un sens beaucoup plus large que son sens physique. Toutefois, comment montrer qu’un objet géographique change ? Une nouvelle fois le principe de relativité permet d’éclairer cette question. Tout dépend du système de référence. Le problème des analyses géographiques est que, mis à part les champs de la géographie physique et de la géographie historique, les gammes temporelles sont très courtes puisqu’elles sont de l’ordre de la centaine d’années. Peut-on donc démontrer un changement structurel profond sur un pas de temps si court ? La question reste ouverte.

    Les liens entre géographie structurale et géographie dynamique sont donc indissolubles. Quelque part, la géographie en affirmant une approche par la catégorie mouvement, s’est fixée un objectif impossible à atteindre, si bien que la seule possibilité pour obtenir un discours scientifique indéniable est la reconstruction de la discipline autour de l’approche complémentaire qu’est la relativité d’échelle. Il faut donc construire directement une géographie dont la connaissance serait fondée sur ces deux catégories (Figure 192). De ce point de vue, cette thèse n’a fait qu’entrouvrir quelques portes extrêmement prometteuses.

Géographie structurale Géographie dynamique
Mouvement Temps État stable État instable
Espace État stationnaire État non stationnaire
Échelle Dimension
fractale
État stable d'échelle État instable d'échelle
Logarithme de
la longueur
sur la fractale
État stationnaire
en échelle
État non stationnaire
en échelle
Figure 192. Tableau résumant la combinaison entre mouvement et échelle vs. géographie structurale et géographie dynamique

    On peut toutefois construire cette double géographie en mouvement et en échelles à partir de la notion de lieu, car qu’est-ce qu’un lieu sinon un « point structuré » (Nottale et alii, 2009, p. 11) ? Si on reprend l’exemple géohistorique des châteaux, il est impossible d’aller au-delà de la résolution d’étude (le kilomètre). Si on imagine que l’on zoome sur l’un des lieux représentant un des châteaux, et que l’on passe à une résolution en mètre, le « point » représentant ledit château, deviendrait une étendue d’un kilomètre à l’intérieur de laquelle on trouverait d’autres entités que le château comme l’église, les magasins, les habitats, etc. De plus, grâce à cette précision supplémentaire dans la résolution, la position du château deviendrait elle-même beaucoup plus précise. De même, si l’on zoome sur ce château en passant à une résolution au centimètre, par exemple, on apercevrait que ce qui a toujours été représenté par un cercle ou par un carré, ne correspond en rien à une forme euclidienne parfaite, mais à une combinaison de formes euclidiennes. On pourrait répéter l’opération en allant vers les grandes échelles géographiques à l’infini, on ne trouverait jamais de points, au sens mathématique du terme.

    Ce type de raisonnement, même s’il est souvent mal posé, domine l’approche spatiale des lieux en géographie. Par contre, le raisonnement inverse qui consiste à lier les lieux entre eux par l’intermédiaire de l’objet « territoire », est rarement perçu en géographie. En effet, si les points n’existent pas et s’il n’existe que des « points structurés », n’importe quelle entité géographique très étendue peut devenir un point, donc un lieu. N’importe quel territoire, montagne, lac, agglomération d’habitats, etc. peut devenir un lieu. On peut donc construire une « théorie générale du lieu » à partir de la relativité d’échelle, en fusionnant des concepts qui ne sont liés qu’à une certaine échelle d’observation, comme le territoire (au sens large), la région (au sens large), etc. Cette approche fractale du lieu permet en plus de conserver, sans contradiction, toutes les approches spatiales développées en géographie depuis les années 1960 : n’importe quel lieu s’exprimant à une échelle n peut devenir l’espace réceptacle d’autres lieux s’exprimant à une échelle - 1. Le lieu commande donc les vides et les pleins, les diffusions et les concentrations d’un espace à une échelle donnée par rapport à une autre. Un lieu n’est donc pas un point, mais un espace caractérisé par une échelle particulière. On constate donc que l’opposition faite entre lieux et espace en géographie est complètement non fondée dans le sens où n’importe quel lieu est susceptible de par un changement d’échelle de devenir un espace.

    Toutefois, pour justifier l’existence d’un lieu (d’un point), il faut nécessairement que ce dernier soit porteur d’attributs (Martin, 2003b, p. 184-186), de caractéristiques propres. Si on reprend de nouveau l’exemple des châteaux : une ville ou un village en possèdent un ou pas. L’attribut « château » n’existe donc que dans un schéma binaire oui-non. Il entre alors dans le champ de l’information. Que sait-on sur les lieux du lieu « ville » (ou « village ») ? Cette simple question permet de comprendre la nécessité de faire de l’information une catégorie, car un lieu n’existe que par les attributs qu’il possède qu’ils soient physiques ou humains.

    L’objet scientifique de la géographie est donc le lieu, et non l’espace (Figure 193). Le projet de la géographie est donc bien celui de Paul Vidal de la Blache, comprendre la position relative des lieux dans l’espace terrestre (Vidal de la Blache, 1913), projet auquel il faut ajouter « à toutes les échelles ». Il faut préciser que, si on reprend l’interprétation des résultats de l’analyse fractale de l’agglomération de Montbéliard, on peut très bien concevoir une explication de la dynamique urbaine en faisant abstraction de l’élément humain, ce qui correspond bien à l’idée même que Paul Vidal de la Blache se faisait de la géographie humaine. « La géographie humaine ne s’oppose donc pas à une géographie d’où l’élément humain serait exclu ; il n’en a existé de telle que dans l’esprit de quelques spécialistes exclusifs. Mais elle apporte une conception nouvelle des rapports entre la terre et l’homme, conception suggérée par une connaissance plus synthétique des lois physiques qui régissent notre sphère et des relations entre les êtres vivants qui la peuplent » (Vidal de la Blache, 1922). La géographie est bien cette « science des lieux et non celle des hommes » (Vidal de la Blache, 1913). Pour conclure, cet objet scientifique « lieu » permet de définir un certain nombre d’objets d’étude. Toutefois, les objets d’étude en géographie demeurent indéfinissables : tout ce qui possède une emprise spatiale dans l’espace terrestre peut faire l’objet d’une géographie particulière (Dauphiné, 2010). Ceci précisé, on peut s’interroger sur le devenir de toutes les études qui font de la géographie humaine une science sociale. Le débat est lancé, et ne peut trouver de réponse tranchée dans cette ouverture.

Projet Comprendre les lieux
Objet d'étude Tout ce qui a une emprise spatiale sur la
surface terrestre de manière tangible ou
abstraite
Méthodes d'objectivation Observer à différentes instants
Observer à différents endroits
Observer à différentes échelles
Figure 193. Tableau synthétisant ce que pourrait être la science « géographie »

    L’objet principal de cette géographie sociale est l’étude des représentations, c’est-à-dire la manière dont les individus perçoivent l’espace géographique qui les entoure. Dans ce cadre, il est évident que la perception d’Accra par rapport à celle de Beijing sera fortement différente, et pourtant, dans l’étude réalisée dans le chapitre 7, ces deux agglomérations possèdent la même dimension fractale (environ 1,7). Dès lors, quelle place accorder à la perception en géographie, lorsque des méthodes d’objectivation montrent qu’elles posent un problème ontologique majeur. Néanmoins, les différences ayant du sens, pourraient être définies par d’autres paramètres.

    L’unification de la connaissance en géographie passe par une réconciliation entre le lieu et l’espace. Toutefois, le lieu doit redevenir l’objet central de la géographie, car s’il existe plusieurs « sciences de l’espace », il n’existe qu’une seule « science du lieu », entendue comme localisation sur la surface terrestre. Cependant, cette science du lieu ne doit pas étudier des particularismes, c’est-à-dire réaliser des études idiographiques au sens de Paul Vidal de la Blache, mais rechercher des régularités dans les phénomènes spatiaux observés. Celles-ci ne peuvent être qu’abstraites. S’il est vrai que l’ensemble des configurations spatiales est unique à la surface du globe, ce n’est pas le cas des lois de transformation d’échelles, par exemple, qui sont limitées à une dizaine de cas observés et observables à partir desquels il est possible d’effectuer des classements beaucoup plus abstraits (cf. chapitre 7), et critiquables, non pas du point de vue de la perception, mais de leur objectivation scientifique.







    Les trois projets proposés sont donc vitaux pour la géographie. Au sens de cette thèse, ce n’est que par eux que la géographie pourra se construire en une science autonome, dans le sens où son discours scientifique serait fondé sur une théorie bien assise qui lui serait propre. Ceci conduit à se départir de l’idée que tout commence et tout s’achève dans l’Homme











Partie 1. Échelles, limites et modèles : la forme en géographie

Partie 2. Morphométrie en géographie

Partie 3. Morphométrie et analyse spatio-temporelle en géographie

Étude du cas de la répartition des châteaux dans l’espace géohistorique du nord de la France (Picardie et Artois)

Partie 4. Étude multi-échelle de la répartition de l’établissement humain sur Terre